Rosetta se prépare au choc fatal sur la comète Tchouri
Le 30 septembre prochain, la sonde Rosetta s'écrasera lentement et délibérément sur la comète autour de laquelle elle orbite depuis deux ans. Or elle n'a pas été conçue pour cela. L'issue sera fatale. Mais avant cette dernière manœuvre, les scientifiques ont prévu d'effectuer des relevés inédits à l'approche de "Tchouri".
L'histoire de Rosetta aura été digne d'un feuilleton à rebondissements. Déjà, en janvier 2014, dix ans après son lancement, la sonde de l'Agence spatiale européenne (ESA) surprend son monde en se réveillant d'une hibernation de 31 mois. En novembre de la même année, son robot Philae réussit l'exploit de se poser sur la comète "Tchouri". Il rebondit deux fois sur sa surface avant de disparaître. S'ensuit une belle moisson scientifique à mesure que Rosetta observe la comète notamment lors de son passage au plus près du Soleil. Dernière surprise il y a quelques jours: la sonde retrouve Philae coincé contre des blocs rocheux.
Impact le 30 septembre
Désormais, tout le monde attend la suite. "Nous allons nous poser sur la comèteune nouvelle fois, mais là, ce sera avec le vaisseau-mère," indique Paolo Ferri, chef des opérations. "La sonde n'est pas faite pour se poser, elle ne survivra pas à l'atterrissage, cela ne fait aucun doute," précise Andrea Accomazzo, directeur de vol de la mission Rosetta. Matt Taylor, scientifique sur le projet Rosetta, ajoute: "Le site retenu pour atterrir est une véritable mine d'or scientifique."
Le choc fatal interviendra le vendredi 30 septembre. Ce jour-là, Rosetta entrera volontairement en collision avec la comète. Armelle Hubault, ingénieur des opérations sur la mission Rosetta nous présente un modèle de la comète d'une vingtaine de centimètres qui ressemble à un canard: "Sur la tête, il y a cette région qu'on appelle Ma'at qui est assez intéressante parce qu'elle est active et en particulier, on y trouve deux trous qu'on appelle des pits qui produisent du gaz et des poussières," expose-t-elle. "Donc, l'idée c'est d'arriver avec Rosetta et de venir se poser au niveau de ces trous," explique-t-elle.
Un satellite qui n'est pas fait pour résister
Les scientifiques gardiens de Rosetta ont veillé sur elle pendant douze ans, mais ils ne pourront pas la sauver lors de sa prochaine manoeuvre. "La structure d'un satellite est toujours très, très légère et donc, très fragile et Rosetta en particulier n'était absolument pas faite pour résister à une gravité puisque c'était un satellite en orbite autour d'une comète, un petit corps très faible, souligne Armelle Hubault. Donc au moment de l'impact, Rosetta s'écrasera par terre, les panneaux solaires, l'antenne s'écraseront sur le sol de la comète," fait-elle remarquer. "Rosetta restera sur la comète pour toujours puisqu'il n'y aura aucun moyen de l'enlever de la surface de la comète," précise l'ingénieur.
La mission s'achève parce qu'en suivant la comète qui s'éloigne du Soleil, la sonde reçoit de moins en moins d'énergie via ses panneaux solaires.
Collecte de données uniques
D'après ses capitaines scientifiques, la manoeuvre d'atterrissage de Rosetta est une occasion exceptionnelle de collecter des données et des images jusqu'à ses derniers instants.
Matt Taylor, scientifique sur le projet, nous expose le scénario: "On prévoit un plongeon depuis une position à 20 km au-dessus de la comète jusqu'à sa surface, c'est fantastique: cela nous permettra de déterminer les caractéristiques uniques du coma - la chevelure de la comète - à mesure que l'on s'approche de la surface, cette zone n'a jamais été sondée," insiste-t-il.
Rosetta enverra des images en haute résolution de quelques-uns des secteurs les plus intéressants de la comète offrant un aperçu inédit sur cet ancien bloc de poussières et de glace qui remonte aux origines du système solaire.
"Il y a ces régions sur toute la comète - sur son dos et sur sa tête - avec des cratères, de larges cavités qui peuvent faire des dizaines, voire des centaines de mètres de diamètre et il y a des débris à l'intérieur: on pense qu'ils sont fondamentaux dans l'activité que l'on observe sur la comète, indique Matt Taylor. Les parois de ces cratères révèlent aussi des détails sur leur structure: ce sont des informations importantes pour comprendre comment la comète s'est formée et nous les aurons à petite échelle - de l'ordre de plusieurs mètres ou dizaines de mètres -, se réjouit-il. On veut prendre des images en haute résolution de tout cela , donc ce sera notre dernier objectif: observer la structure des parois de l'un de ces cratères, juste avant l'impact," conclut-il.
Approche délicate
Pour réussir ses dernières tâches, Rosetta doit être opérationnelle dans les tous derniers jours avant le choc lorsqu'elle volera près de la comète et effectuera sa descente finale. Andrea Accomazzo, directeur de vol, nous précise: "En volant très près de la surface de la comète, le plus gros risque, c'est que nous ayons des difficultés de navigation, donc pour prévoir la position exacte de Rosetta. D'un point de vue technique, poursuit-il, c'est beaucoup, beaucoup plus compliqué que lors de l'atterrissage de Philae."
Lors de la descente finale, les opérateurs n'auront pas le temps de faire des ajustements. Les équipes récupèreront les données et devront croiser les doigts.
"Si on a de la chance, on gardera le signal jusqu'à la toute fin, on ne sait pas quel élément de la sonde touchera le sol en premier: cela pourra être un panneau solaire et dans ce cas, le comportement de la sonde sera perturbé, on pourrait perdre le signal," explique Paolo Ferri avant d'ajouter "donc les toutes dernières minutes seront un peu difficiles à prévoir." Le chef des opérations nous décrit l'étape ultime: "Au final, quand la sonde sera sur la surface, Rosetta s'éteindra; elle sera programmée pour cela parce qu'on ne veut pas laisser sur la comète un engin spatial qui resterait allumé et qui pourrait polluer l'environnement radio-fréquence."
Rendez-vous le 30 septembre pour vivre le final spectaculaire de la mission Rosetta en direct sur notre antenne et notre site.