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Hubble captures crisp new image of Jupiter and Europa
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Pourquoi le voyage de Juice est-il si looong ?

28/09/2023 69 views 2 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

Au point le plus proche entre leurs orbites, la Terre et Jupiter sont séparées par près de 600 millions de kilomètres. Au moment de la rédaction, cinq mois après son lancement, Juice a déjà parcouru 370 millions de kilomètres, mais pour ce qui est de la durée du voyage, cela ne représente que 5 % du chemin pour y parvenir. Pourquoi le voyage est-il si long ?

La réponse dépend de divers facteurs que les experts en dynamique du vol du Centre de contrôle de missions de l’ESA connaissent bien : de la quantité de carburant utilisée à la puissance du lanceur, en passant par la masse de la sonde et la géométrie des planètes.

Sur cette base, les experts en dynamique du vol de l’ESA conçoivent un itinéraire. Le monde de la mécanique orbitale est un univers contre-intuitif, mais avec un peu de patience et beaucoup de planification, il nous permet de faire des observations scientifiques extraordinaires avec le minimum de carburant, comme nous allons l’expliquer.

Les lignes droites dans l’espace ? Un gaspillage massif d’énergie.

Propulsion : décollage, ajustements orbitaux et voyage à travers l'espace
Propulsion : décollage, ajustements orbitaux et voyage à travers l'espace

Suivez le mouvement des planètes, des lunes, des étoiles et des galaxies, et vous verrez qu’elles sont toujours en mouvement autour d’un autre objet. Lorsqu’une mission est lancée, elle ne s'élance pas d’une Terre immobile mais d’une planète qui file à toute allure, à environ 30 km/s autour du Soleil. 

En tant que tel, une sonde lancée depuis la Terre possède déjà une grande quantité d’« énergie orbitale » – la seule unité qui compte pour déterminer la taille d’une orbite autour d’un corps central. Juste après le lancement, la sonde se trouve plus ou moins sur la même orbite que notre planète autour du Soleil. 

Pour se libérer de cette orbite et voler en ligne droite de la Terre à Jupiter, il faudrait un lanceur gigantesque et beaucoup de carburant. Mais cela reste réalisable. Le problème suivant est qu'il faudrait encore beaucoup plus de carburant pour freiner et se mettre en orbite autour de Jupiter sans la dépasser.

Cibler l’espace vide

Jupiter et la Terre sont toujours en mouvement l’une par rapport à l’autre. À leur point le plus éloigné, sur les côtés opposés du Soleil, elles sont séparées par 968 millions de kilomètres. La distance la plus courte entre les deux planètes est celle où la Terre et Jupiter se trouvent du même côté du Soleil, avec un peu moins de 600 millions de kilomètres qui les séparent. Mais elles ne se trouvent dans cette position qu'un instant avant que la distance ne s’accroisse à nouveau, sans jamais rester constante.

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Le voyage de Juice et un tour du système jovien
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Les planètes se déplacent toutes à des vitesses différentes sur leur orbite autour du Soleil. Imaginez que vous lancez une balle sur une cible en mouvement depuis un véhicule en mouvement. Les ingénieurs doivent calculer le moment idéal pour effectuer le saut de l’orbite circulaire terrestre jusqu’à l’endroit où Jupiter se trouvera lorsque la sonde arrivera, et non là où elle se trouve au moment où la sonde quitte la Terre. 

Donc, en supposant que nous disposions du lanceur existant le plus puissant et que nous le lancions sur la trajectoire la plus courte, au moment où les planètes sont correctement alignées, combien de temps cela prendrait-il ? 

Les premières missions spatiales interplanétaires des années 70-80, telles que les sondes Voyager et Pioneer, ont fait le voyage en moins de deux ans. L’objet le plus rapide qui ait voyagé vers Jupiter a été la mission New Horizons : lancée le 19 janvier 2006, New Horizons s’est approchée au plus près de Jupiter le 28 février 2007, mettant un peu plus d’un an pour atteindre la planète. Toutes ces missions ont poursuivi leur chemin et constituent d’excellents exemples pour déterminer le temps nécessaire jusqu’à un survol de Jupiter en route vers un autre endroit.

Plus le transfert est long, plus l’approche est lente

Pour se mettre en orbite autour de l’immense planète et l’étudier sous tous les angles et dans la durée, peut-être même se mettre en orbite autour d’une de ses lunes – une « première » de Juice – il faut perdre de l’énergie. Cette « décélération » nécessite beaucoup de carburant avec une grande manœuvre d’insertion sur orbite. Si vous ne souhaitez pas décoller avec d’immenses quantités de carburant, vous empruntez la route panoramique, avec une durée de transfert de 2,5 ans. 

C’est là que nous considérons la masse de la sonde comme un facteur crucial dans la détermination du temps nécessaire pour arriver quelque part. Les ingénieurs doivent contrôler la masse de la sonde, en équilibrant la quantité de carburant avec les instruments dont elle a besoin pour accomplir sa mission. Plus la masse de la sonde est importante, et plus elle doit transporter de carburant, ce qui augmente son poids et la difficulté de son lancement.

 Vers l’espace ! Mais sur quelle fusée ?
Vers l’espace ! Mais sur quelle fusée ?

Et c’est là que les performances du lanceur entrent en jeu. La sonde doit être lancée à une vitesse suffisante pour échapper à la gravité terrestre et être envoyée en direction du Système solaire externe. Plus la poussée est forte, plus le voyage est facile. 

Avec un peu plus de 6 000 kg, Juice est l’une des sondes interplanétaires les plus lourdes jamais lancées; elle embarque le plus grand ensemble d’instruments scientifiques jamais envoyé vers Jupiter. Même la puissance du lanceur lourd Ariane 5 n’a pas suffi à y envoyer Juice directement en une paire d’années. 

Par conséquent, des missions telles que Juice et Europa Clipper, ou bien Galileo et Juno dans le passé, doivent recourir à des manœuvres « d’assistance gravitationnelle » ou de « survol » pour gagner davantage de vitesse. Et plus le lanceur est puissant, et plus le transfert est court.

De l’échange d’énergie avec le Système solaire

Aux confins du Système solaire, Pluton se déplace sur une orbite beaucoup plus grande que Mercure, la planète la plus proche du Soleil. Bien que Pluton se déplace plus lentement par rapport au Soleil, son énergie orbitale est largement supérieure à celle de Mercure. 

Pour mettre une sonde en orbite autour d’une autre planète, nous devons atteindre son énergie orbitale. Lorsque BepiColombo a été lancée, son énergie orbitale était proche de celle de la Terre. Elle a dû perdre de l’énergie afin de se rapprocher du centre du Système solaire. Pour y parvenir, elle s’est débarrassée de l’énergie orbitale excédentaire en volant à proximité de planètes voisines.

Le survol d'Europe par Juice
Le survol d'Europe par Juice

Le même principe s’applique à un voyage vers l’extérieur du Système solaire. Mais cette fois, il est inversé. Pour se placer sur une orbite plus grande, plus éloignée du Soleil, Juice se trouve sur un itinéraire qui va lui permettre de subtiliser de l’énergie orbitale de la Terre et de Vénus. 

En fonction de la direction relative du mouvement de la planète et de la sonde, une assistance gravitationnelle peut accélérer, ralentir ou changer la direction de la mission (la sonde dévie également la trajectoire de la planète, mais d’une quantité si minime qu’elle est négligeable ; néanmoins, la troisième loi du mouvement de Newton est respectée : « chaque action provoque une réaction opposée »). 

Juice utilisera une série de survols de la Terre, du système Terre-Lune et de Vénus dans le but de se placer sur le bon itinéraire pour son rendez-vous de juillet 2031 avec le système jovien.

Voler sur le fil du rasoir

Quand tout tournait mal sur Juice : les simulations au Centre de contrôle de mission de l'ESA ont mis à l'épreuve les opérateurs de la sonde.
Quand tout tournait mal sur Juice : les simulations au Centre de contrôle de mission de l'ESA ont mis à l'épreuve les opérateurs de la sonde.

La partie la plus complexe pour l’équipe de contrôle de vol de l’ESA surviendra lorsque Juice arrivera enfin aux environs de Jupiter en 2031 et ensuite lors de son tour du système planétaire de Jupiter. 

La trajectoire complexe de Juice implique de multiples assistances gravitationnelles en route vers Jupiter – y compris le tout premier survol Lune-Terre – et, une fois sur place, un nombre impressionnant de 35 survols de ses lunes galiléennes Europe, Ganymède et Callisto. L’accent final sera mis sur Ganymède, faisant de Juice la première sonde à orbiter autour d’une lune autre que la nôtre.

La manœuvre la plus importante que superviseront les équipes du contrôle de mission de l’ESA en Allemagne sera le freinage de Juice d’environ 1 km/s seulement 13 heures après une assistance gravitationnelle de Ganymède, pour lui faire « prendre la sortie » en vue d’entrer dans le système jovien, insérant la sonde en orbite autour de la géante gazeuse.

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Entrée en orbite
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Il est difficile de se mettre en orbite autour d’un autre corps céleste. La sonde doit s’approcher à la vitesse parfaite, sous un angle précis, puis exécuter au bon moment une grande manœuvre cruciale, précise, dans une direction spécifique.

Si l'approche est trop rapide ou trop lente, si l'angle est trop faible ou trop fort, si la manœuvre est effectuée au mauvais moment, de manière inappropriée ou dans la mauvaise direction... vous voilà perdu dans l’espace. Ou tellement éloigné du bon itinéraire qu’il vous faudra beaucoup – peut-être trop – de carburant pour corriger votre trajectoire. 

Juice se rapprochera des lunes de Jupiter, échangeant avec elles l’énergie qu’elles conservent depuis des milliards d’années, pour obtenir une vue inédite de ces environnements. Pourrait-il y avoir de la vie sous les océans gelés de Ganymède, Callisto ou Europe ? Que pouvons-nous apprendre sur la formation des planètes et des lunes dans l’Univers ? Grâce aux merveilles de la dynamique de vol, en échangeant de l’énergie avec l’Univers, nous le saurons bientôt, enfin presque. 

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