Plaidoyer pour une veille environnementale
Du haut de leur orbite, les satellites observent la Terre et son environnement, ses évolutions et ses convulsions qui bouleversent la vie des hommes. Dans son nouvel ouvrage, José Achache, directeur des programmes d’observation de la Terre de l’ESA, présente sa vision du rôle crucial des satellites pour la prévention des catastrophes et la gestion des crises.
Il montre aussi comment le développement et la mise en œuvre d’un système global pour l’environnement et la sécurité peuvent constituer une source d’innovation technologique dont l’Europe a cruellement besoin.
Chaque année, des catastrophes naturelles, qu’il s’agisse de séismes, d’inondations de sécheresses ou de tempêtes, prélèvent un lourd tribut sur la population humaine. Les changements climatiques liés à l’effet de serre amènent l’apparition de nouvelles situations extrêmes dont la canicule qui a frappé l’Europe à l’été 2003 n’est qu’un des plus récents exemples. Dans le même temps, l’évolution de la démographie, avec désormais plus de la moitié de l’humanité se massant dans des zones urbaines, ainsi que l’apparition de nouveaux risques– des nouvelles épidémies aux catastrophes industrielles ou sanitaires - ont rendu notre société moderne plus fragile face à des menaces devenues globales.
Géophysicien de formation, José Achache a été nommé fin 2001 à la tête des programmes d’observation de la Terre après une carrière qui l’a déjà mené de l’Institut de Physique du Globe de Paris au Bureau de Recherches Géologiques et Minières et au Centre National d’Etudes Spatiales. Son expérience lui a donné une vision à la fois large et précise des possibilités offertes par les avancées technologiques actuelles ou prévisibles. Or, selon lui, ces capacités peuvent répondre aujourd’hui à des besoins qui dépassent largement la seule sphère scientifique pour concerner l’humanité dans son entier.
Risque global, réponse globale
A l’instar du terrorisme, contre lequel la plupart des nations industrialisées sont parties en croisade, le risque environnemental met en danger la vie des populations au niveau global, et comme lui, il demande une réponse globale, estime José Achache, dans son nouveau livre intitulé « Les sentinelles de la Terre », qui vient de paraître : « La lutte contre les changements climatiques sera longue et se conduira sur plusieurs fronts, scientifique, technologique, économique et politique. La lutte pour la sécurité environnementale se mènera à grands renforts d’investissements, d’innovation et de technologies ».
Prévenir les catastrophes naturelles ou liées à l’activité humaine passe par une meilleure connaissance de notre environnement et des mécanismes qui l’animent, afin non seulement de prévoir ses soubresauts mais également d’éviter ou d’infléchir les politiques susceptibles d’en endommager le fragile équilibre.
« Pour y parvenir, les Etats ont besoin d’une capacité d’intelligence environnementale », propose José Achache. « La première étape est de développer un système de renseignement environnemental. Ce système sera à la fois un système global de surveillance et de prévision et un instrument politique de gouvernance et de sécurité pour le monde. Il nécessitera de coordonner les moyens d’observation spatiaux et terrestres et les capacités de modélisation de toutes les nations partenaires. »
Des satellites pour comprendre, prévenir et gérer
Un tel projet existe en Europe : le Programme de surveillance globale pour l’environnement et la sécurité (GMES). Soutenu par l’ESA, ce système d’information et d’aide à la décision, global et indépendant, est destiné à soutenir la définition et la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne. Conçu comme un véritable système de renseignement et de conduite d’opérations sur le modèle des systèmes militaires, GMES est dédié à la sécurité des populations et à la maîtrise des changements globaux en combinant les observations par satellite et les données récoltées sur le terrain. Le champ d’applications de GMES est extrêmement vaste : négociation et vérification des accords internationaux sur l’environnement (notamment le protocole de Kyoto), mais aussi sécurité civile et des transports, gestion des ressources agricoles, forestières et hydrologiques, sécurité sanitaire et alimentaire, contrôle des pollutions, aide au développement, aide humanitaire, maintien de la paix…
José Achache, qui co-préside le comité directeur de GMES, voit les satellites jouer un rôle crucial car leurs capacités sont inégalables :
« Les observations par satellite permettent d’embrasser d’un seul regard les phénomènes naturels, quelle que soit leur échelle et leur durée : du bassin océanique, pour comprendre El Niño, jusqu’à celle d’une habitation, pour évaluer les dégâts d’une inondation ; de la décennie, pour suivre l’évolution de la couche d’ozone, jusqu’à une heure, pour anticiper l’arrivée des tempêtes ». Outre cette capacité, la précision des mesures – quelques centimètres pour le niveau des océans, quelques millimètres pour les mouvements du sol – et leur continuité dans la durée permettent de dégager des modèles pour comprendre l’évolution de l’environnement et à terme identifier les processus susceptibles de le détériorer.
Outre l’observation, les satellites assurent aussi une capacité de communication globale indépendante des infrastructures terrestres pour la mise en place de réseaux de veille afin de prévenir les crises, ou des réseaux de communications d’urgence si celle-ci vient à survenir.
L’Europe pionnière
Le rôle précurseur de l’Europe ne date pas d’hier. Depuis un quart de siècle, l’ESA et ses Etats-membres ont développé des outils et des compétences mondialement reconnues dans l’observation de la Terre, de son atmosphère, de sa surface, de ses océans et de ses calottes glaciaires.
« Dès 1978, Meteosat a placé l’Europe au premier rang de la météorologie opérationnelle et aujourd’hui, avec la seconde génération, nous disposons du système d’observation la plus moderne en orbite géostationnaire », rappelle José Achache. « Avec les prochains satellites que nous préparons nous allons encore améliorer nos capacités à sonder l’atmosphère et renforcer la première place de l’Europe dans la modélisation météorologique et climatique ».
Au cours des années, le Vieux Continent s’est aussi taillé une solide réputation avec ses programmes océanographiques et glaciologiques, notamment avec ses satellites radar. L’Europe est aujourd’hui la principale source de données civiles dans ce domaine. Il importe qu’elle soit leader dans les applications qui en dérivent, comme l’observation des mouvements liés à l’activité sismique ou volcanologique, mais aussi les affaissements de terrains en zones urbaines suite à des travaux ou liés à l’extraction d’eau ou de gaz.
Avec GMES, cette capacité européenne trouve un cadre dans lequel se développer et affirmer sa compétitivité, non seulement pour les applications liées à l’environnement mais aussi à tous les aspects de sa sécurité, à un moment où l’Europe cherche à s’affranchir des données fournies par les sources américaines, notamment militaires, pour l’évaluation des risques et des crises.
Selon José Achache, ces moyens et les compétences développées en Europe peuvent être mises à profit pour créer le système global de prévision des catastrophes et de surveillance de l’environnement qu’il appelle de ses vœux. Ces “sentinelles de la Terre”, destinées à « prévenir les nouveaux désordres de la nature », œuvreront à la sécurité de la planète et de ses habitants. Leur développement sera aussi, pour l’Europe, un moteur d’innovation technologique et de progrès.
“Les sentinelles de la Terre”, par José Achache, publié aux éditions Hachette Littératures.
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