L’ESA lance la première mission de son Programme d’exploration de la Terre, GOCE
ESA PR 06-2009. Cet après-midi, le satellite d’étude de la gravité et de la circulation océanique en régime stable (GOCE) de l’Agence spatiale européenne (ESA) a été injecté sur une orbite terrestre basse quasi-héliosynchrone par un lanceur russe Rockot au départ du cosmodrome de Plesetsk, en Russie septentrionale.
Ce lancement marque le début d’une nouvelle ère dans l’histoire européenne de l’observation de la Terre. GOCE est le premier représentant d’une nouvelle famille de satellites de l’ESA destinés à étudier notre planète et son environnement pour mieux comprendre le fonctionnement du système Terre et son évolution en vue de faire face au changement climatique global. Il mesurera en particulier les infimes variations du champ de gravité terrestre sur l’ensemble de la planète.
Le lanceur russe Rockot – dérivé d’un ancien missile balistique – a décollé à 15h21 heure de Paris (14h21 temps universel coordonné) en direction du nord, survolant l’Arctique. Environ 90 minutes plus tard, après une révolution orbitale et deux allumages de son étage supérieur Breeze-KM, le lanceur a placé le satellite de 1052 kilogrammes sur une orbite polaire circulaire de 280 kilomètres d’altitude inclinée à 96,7 degrés par rapport à l’équateur. Le lancement était confié à Eurockot Launch Services, société germano-russe ayant son siège à Brème (Allemagne).
La station de poursuite de l’ESA installée à Kiruna (Suède) a établi le contact avec GOCE peu après la séparation et le satellite est désormais sous le contrôle des équipes de l’ESA basées au Centre européen d’Opérations spatiales à Darmstadt (Allemagne).
« GOCE est le premier satellite scientifique de l’ESA qui soit entièrement dédié à l’observation de la Terre depuis le lancement d’Envisat, en 2002. Si les dimensions ont évolué, l’objectif reste le même : offrir les meilleurs résultats scientifiques permis par nos avancées technologiques afin d’en faire profiter au maximum la communauté scientifique et, à terme, l’ensemble des citoyens tant à l’échelle de l’Europe que dans le reste du monde » a déclaré Jean-Jacques Dordain, Directeur général de l’ESA.
GOCE a été sélectionnée en 1999 pour devenir la première mission de base d’exploration de la Terre du programme Planète vivante de l’ESA. Le satellite a été développé par une équipe industrielle sous la maîtrise d’œuvre de Thales Alenia Space, à Turin (Italie). EADS Astrium Space, à Friedrichshafen (Allemagne), a fourni la plateforme du satellite et Thales Alenia Space, à Cannes (France), a développé et intégré l’instrument principal, reposant sur des détecteurs ultra sensibles mis au point par l’ONERA. Au total, ce ne sont pas moins de quarante-cinq entreprises européennes qui ont contribué à la fabrication du satellite.
Pendant vingt-quatre mois, GOCE collectera des données gravitationnelles en trois dimensions couvrant l’ensemble du globe. Le traitement au sol de ces données brutes permettra d’aboutir à la carte la plus précise jamais dressée du champ de gravité terrestre et de définir le géoïde – surface de référence exacte de notre planète – de manière plus fine. Affiner la connaissance du géoïde, qui représente la forme théorique de la Terre si elle était recouverte d’océans au repos, est essentiel pour approfondir l’étude de la planète, de ses océans et de son atmosphère. Le géoïde défini servira de modèle de référence pour mesurer et modéliser l’évolution du niveau des mers, la circulation océanique et la dynamique des calottes polaires.
Une charge utile exceptionnelle pour un satellite inédit
Le principal instrument de charge utile de la mission est un gradiomètre électrostatique de pesanteur (EGG) de haute technologie, comprenant six accéléromètres ultra sensibles montés par paire selon trois axes orthogonaux sur une structure carbone-carbone extrêmement stable. La mission ne mesurera pas la gravité elle-même, mais les infimes écarts de gravité relevés entre les accéléromètres de chaque paire, séparés l’un de l’autre de 50 centimètres.
Les données collectées par GOCE permettront de déterminer l’altitude du géoïde avec une précision de 1 à 2 centimètres et de repérer les anomalies du champ de gravité à 1 milligal près (les montagnes, par exemple, entraînent généralement des variations gravitationnelles locales de l’ordre de quelques dizaines à une centaine de milligals). La résolution spatiale sera améliorée par rapport aux missions précédentes, présentant des performances de plusieurs centaines ou milliers de kilomètres contre 100 kilomètres pour GOCE.
GOCE a été conçu pour offrir au gradiomètre un environnement extrêmement stable et sans perturbations afin d’optimiser son fonctionnement malgré une orbite à basse altitude, où le satellite subit des frottements, faibles mais néanmoins significatifs, dus aux couches supérieures de l’atmosphère. C’est là la principale raison de la forme en flèche élancée de ce satellite aérodynamique de 5 mètres de long.
GOCE est également doté de deux propulseurs ioniques de faible puissance au xénon – un principal et un de secours – capables de délivrer une poussée de 1 à 20 milli-Newton chacun (une force équivalente à celle d’une expiration). Ces propulseurs serviront à compenser la traînée atmosphérique en temps réel, en se fondant sur l’accélération moyenne détectée par les deux accéléromètres installés sur l’axe de la vitesse.
La structure et la conception du satellite ont elles aussi été optimisées pour filtrer tous types de perturbations, en ayant recours à des matériaux ultra stables destinés à limiter les effets des cycles thermiques et en renonçant à tout élément déployable ou mobile.
Une mission aux retombées multiples
Au cours des six semaines à venir, les équipes de l’ESA et ses partenaires industriels procéderont aux activités de vérification et de recette de GOCE. Le satellite sera ensuite transféré vers son orbite opérationnelle, à 263 kilomètres d’altitude, où sa charge utile fera l’objet de six nouvelles semaines de recette et d’étalonnage. Le début de la mission à proprement parler est prévu à l’été 2009.
La précision de la carte du champ de gravité terrestre dressée par GOCE profitera à toutes les branches des sciences de la Terre.
En géodésie, les scientifiques disposeront enfin d’un modèle de référence unifié pour les mesures d’altitudes mondiales et n’auront plus à gérer les discontinuités entre les divers systèmes altimétriques utilisés à travers les différents territoires, pays et continents, ce qui permettra d’effectuer un meilleur suivi de l’évolution du niveau des mers et de jeter un nouvel éclairage sur les données à ce sujet consignées dans le monde entier depuis plus de 200 ans.
En océanographie, une meilleure connaissance du champ de gravité contribuera à lever un grand nombre d’incertitudes concernant les flux de masse et de chaleur au sein des océans, ce qui devrait conduire à une nette amélioration des modèles globaux de circulation océanique et de prévision climatique. GOCE approfondira également nos connaissances sur le socle rocheux des calottes polaires du Groenland et de l’Antarctique. La cartographie précise du géoïde aidera en outre à mieux définir les orbites des satellites chargés du suivi des inlandsis et à obtenir des mesures plus exactes les concernant.
En géophysique, l’association des résultats de GOCE et de données sur le magnétisme, la topographie et la sismologie permettra d’établir une cartographie tridimensionnelle détaillée des variations de densité de la croûte terrestre et du manteau supérieur. Ces apports seront essentiels pour corriger les modèles des bassins sédimentaires, des rifts, des mouvements tectoniques et de l’évolution verticale des mers et continents, qui faciliteront la compréhension des mécanismes à l’origine de catastrophes naturelles.
La première d’une nouvelle série de missions d’exploration de la Terre
« Le succès de ce lancement marque l’avènement d’une nouvelle génération de satellites européens de sciences de la Terre », a déclaré Volker Liebig, Directeur des Programmes d’observation de la Terre à l’ESA. « C’est le premier représentant d’une nouvelle famille de petits satellites scientifiques ciblés qui ouvre la voie à d’autres missions d’exploration de la Terre. Les scientifiques attendent les résultats de ces missions avec une vive impatience. Il nous reste quatre autres lancements à préparer au cours des deux prochaines années ; autant dire que nous allons encore être très occupés. »
GOCE est la première mission de base d’exploration de la Terre s’inscrivant dans le programme Planète vivante, engagé par l’ESA en 1999 dans le but de faire avancer la recherche sur l’atmosphère terrestre, la biosphère, l’hydrosphère, la cryosphère et l’intérieur du globe ainsi que sur leurs interactions et de mieux comprendre les conséquences des activités humaines sur ces processus naturels. Deux autres missions de base, qui aborderont des thématiques spécifiques répondant à des préoccupations importantes pour le grand public, sont en cours de développement : ADM-Aeolus, qui étudiera la dynamique atmosphérique (2011), et EarthCARE, destinée à explorer le bilan radiatif terrestre (2013). Trois missions circonstancielles d’exploration de la Terre, de moindre envergure, sont également en préparation : Cryosat-2, qui mesurera l’épaisseur des glaces (2009), SMOS, conçue pour étudier l’humidité des sols et la salinité des océans (2009), et Swarm, qui aura pour objet de suivre l’évolution du champ magnétique (2011).
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