Fin des « lucioles » chez les astronautes grâce à une petite centrifugeuse belge
Les astronautes se trouvent souvent confrontés avec les mêmes problèmes que les gens qui ont des pertes d'équilibre. C’est pour étudier ce phénomène que l’Hôpital Universitaire d’Anvers a mis sur pied le nouveau centre de recherche AUREA (Antwerps Universitair Research Centrum voor Evenwicht en Aerospace). Il dispose de bon nombre d’appareils spéciaux, parmi lesquels le SAHC (Short Arm Human Centrifuge) développé par la firme Verhaert D & D de Kruibeke.
Ce centre AUREA est spécialisé dans les recherches sur l’équilibre et pour le domaine aérospatial. On a affaire ici à une belle symbiose des travaux pour l’exploration spatiale et l’astronautique proprement dite. Les résultats des recherches sont en effet utiles aux cosmonautes en orbite autour de la Terre.
Expertise internationale
Rien d’étonnant, donc, que le premier astronaute belge Dirk Frimout ait participé à l’ouverture d’AUREA le 28 juin dernier. Le Centre AUREA est d’ores et déjà reconnu comme un projet unique et essentiel grâce au soutien tant de l’ESA (European Space Agency) que de la NASA (National Aeronautics & Space Administration).
Parmi les équipements d’AUREA, se trouve le modèle d’entraînement de la mini-centrifugeuse qui a volé à bord du Space Shuttle lors de la mission Neurolab, du 17 avril au 3 mai 1998. Ce fut la dernière à mettre en œuvre le module Spacelab de l’ESA. A l’intérieur du laboratoire européen, au cours de leur vol, les astronautes ont été soumis à des séances de « pesanteur artificielle ». Il est apparu qu’ils ont été moins affectés par ces maux habituels que sont la désorientation et ce qu’on appelle l’intolérance orthostatique qui donne lieu à des mouvements rapides de « lucioles » – brèves scintillations - dans la vue.
Vous avez dit SAHC ?
Le laboratoire AUREA dispose également, jusqu'à la fin de l'année, de l’instrument SAHC (Short Arm Human Centrifuge). Développé en 2005 par Verhaert Space à Kruibeke (près d’Anvers), il s’agit d’un équipement énorme qui doit être installé en France. Au moyen de cet appareil, les spécialistes de médecine aérospatiale en Europe veulent étudier davantage les effets négatifs de l’impesanteur sur le corps humain. Et ce, dans le but de mettre au point de nouvelles contre-mesures qui garantissent la santé des astronautes lors de vols spatiaux de longue durée.
Tout ceci cadre bien dans le programme d’exploration Aurora de l’ESA. Quand les astronautes séjournent longtemps dans l'espace, à bord d'une station spatiale ou, dans le futur, pour une mission martienne, l’état d’impesanteur a des conséquences néfastes sur leur santé: la décalcification de l’appareil osseux, la diminution de la masse musculaire (avec les conséquences pour le coeur qui est un muscle), la fragilité du système immunitaire, la dégradation de la faculté de s’orienter.
Il n’est pas inutile de rappeler que beaucoup de recherches ont déjà été effectuées sur les effets physiologiques de l’environnement spatial, notamment dans des cliniques qui se sont spécialisées en France et en Allemagne. En général, on admet qu’une petite demi heure d’accélérations en centrifugeuse – on peut parler de gravitation artificielle -, sur un appareil tel que le SAHC, doit être suffisante pour combattre les inconvénients de l’impesanteur. La « centrifugation » semble être déjà une méthode prometteuse face aux défis que poseront les vols habités interplanétaires de demain.
Profils d'accélération précis
La centrifugeuse de Verhaert Space offre les possibilités uniques. Le SAHC peut en même temps accueillir quatre cobayes qui sont soumis par l’équipe médicale à des profils d'accélération très précis. En tout, c’est un poids de 550 kilogrammes qu’il est possible d’accélérer de façon radiale jusqu'à un maximum de 6,5 g.
Les personnes à tester prennent place dans les lits spéciaux qui sont disposés sur le rotor de la centrifugeuse. Le rotor d’un diamètre maximal de presque 6 mètres et d’une masse de plus d’1 tonne, tourne 45 fois par minute. Il peut être arrêté en moins d’une rotation. Les lits peuvent être placés dans différentes positions sur la pièce tournante.
Lors des tests, les cobayes sont surveillés de façon permanente grâce à des moniteurs « dernier cri ». Ils sont en contact direct avec les contrôleurs via des liaisons numériques et vidéo. Le logiciel de la salle de contrôle a été conçu de telle manière que les chercheurs peuvent eux-mêmes très simplement, de manière automatique, développer, effectuer et répéter leurs expériences.
Spectacles DVD en pleine rotation
Ne devient-on pas très malade au bout d'une demi-heure de rotations à un rythme aussi effréné ? « Pas du tout », explique le responsable de projet, Luc Vautmans. « Nos personnes qui sont testées sont assises avec leur tête dans l’environnement pratiquement obscur d’une sorte de cockpit blindé en action. »
« Notre cobaye ne voit pas qu'il tourne. Il ressent naturellement l'accélération, mais s'il laisse sa tête tranquille, il est soumis à peu de surcharge. Il peut même regarder un DVD sur un écran, alors qu'il subit des g’s supplémentaires.»
L’ESA a déjà laissé entendre qu’elle s’intéressait à un deuxième exemplaire du SAHC. Plusieurs pays d’Asie manifestent de l'intérêt pour ce type d’appareil. Le premier SAHC est, pour l’heure, installé et expérimenté au Centre AUREA à Anvers. A la fin de l'an, l'appareil sera démonté pour être transporté à la clinique du MEDES (Institut de Médecine et de Physiologie Spatiales) à Toulouse (en France). Il servira à des expériences dans le cadre des missions « bedrest » (séjours prolongés dans un lit).
Information
Ir. Luc Vautmans
Key Account Manager Verhaert Space
+32(0)3 250 14 14
luc.vautmans@verhaert.com
Prof. Floris Wuyts
floris.wuyts@ua.ac.be