Nuna II prêt pour ses débuts
Ce 19 octobre, 50 voitures de course seront alignées à Darwin, en Australie pour le départ du 6ème World Solar Challenge.
Il y a une concurrente européenne sous la forme d'un superbe machine que des étudiants néerlandais ont construite en tirant parti de la technologie fournie par l'ESA. Il s'agit du véhicule Nuna II du Team Nuon Solar des Pays-Bas: c'est l'un des favoris et il est prêt à défendre le titre que Nuna, son prédécesseur, a remporté en 2001.
Lors du World Solar Challenge 2001, Nuna, qui était la première voiture solaire néerlandaise à exploiter des acquis de la technologie spatiale européenne, a franchi la ligne d'arrivée en tête après une course en Australie, sur une distance de 2010 km. Nuna a gagné en parcourant cette distance en un temps record de 32 heures 39 minutes. Le précédent record établi par le team Honda en 1996 était 33 heures 32 minutes. A l'actif de Nuna, l'autre record de la vitesse moyenne de 91,81 km/h, à comparer avec les 89.76 km/h du team Honda. Nuna a par ailleurs repoussé les limites en finissant le parcours en moins de 4 jours.
"Bien évidemment, nous allons chercher à terminer de nouveau premiers", confie Koen Koster du team des étudiants néerlandais. "Nous visons à réaliser une vitesse moyenne de 100 km/h et de terminer endéans les 30 heures. Ce sera fort disputé, comme nous aurons à affronter Aurora 101, le principal concurrent de 2001, l'une des huit voitures de teams australiens, ainsi que le vainqueur de 1999. D'autres équipes avec de gros moyens visent la victoire: ce sont le Principia College des USA, la Queens University du Canada et le team japonais."
"Si nous gagnons, ce sera en grande partie grâce à l'emploi de la technologie spatiale", explique Diederik Kinds, un étudiant ingénieur aérospatial de la Delft University of Technology et responsable du Nuon Solar Team. "Notre prototype emploie ce qui est le plus avancé en technologie spatiale, grâce à l'aide apportée au team par le Technology Transfer programme de l'ESA. Ceci permettrait à notre véhicule d'atteindre en théorie la vitesse maximale de 175 km/h, qu'il faut comparer avec celle de 160 km/H pour Nuna."
"Nous avons considérablement amélioré l'aérodynamisme en abaissant l'habitacle et en réduisant la masse de la voiture en employant des plastiques ultra-légers destinés à l'espace. Sa structure principale est faite en fibre de carbone, qui est renforcé à la partie supérieure et ses roues sont dotées de garde-boue en aramide, produit mieux connu sous le nom de Twaron."
La fibre de carbone est utilisé de façon courante par l'industrie spatiale pour des éléments d'assemblage qui doivent être à la fois légers et résistants. On utilise, entre autres, le Twaron dans les scaphandres spatiaux comme protection entre les micro-météorites. Sur Nuna II, c'est ce même Twaron qui est employé pour se protéger des projections de gravillons lors de la course.
"Ce qui est le plus important, ce sont les cellules solaires, poursuit Kinds. "Nous avons équipé Nuna II avec des cellules solaires qui sont performantes de plus de 20 % pour la collecte d'énergie, par rapport à celles sur Nuna pour la course de 2001."
"Ces cellules solaires qui se trouvent placées au-dessus et sur les côtés du véhicule sont des cellules à trois jonctions gallium-arsenide, déposé sur trois couches. La lumière solaire qui traverse la couche du dessus est prise par la seconde et la troisième couches. Elles sont le résultat d'un développement récent que même l'ESA n'a pas encore exploité. La première fois qu'elles seront mises en oeuvre dans l'espace, ce sera à bord de SMART-1 qui doit être lancé en septembre."
"Nuna II est dotée de 3 000 cellules solaires", poursuit Kinds, "et leur rendement est amélioré à l'aide d'une dizaine de capteurs de point de puissance maximum". Ce type d'équipement se trouve à bord des satellites depuis des années pour optimiser le rendement des panneaux solaires, une fois qu'ils passent dans l'ombre, à la suite de leur position par rapport au Soleil.
Nuna II sera par moments dans des zones d'ombre, à cause de nuages, de bâtiments et de véhicules qui dépassent, ce qui réduit l'efficacité des cellules solaires. Les capteurs du point maximum de puissance permettront de garder élevée et stable l'énergie des cellules. Un circuit mesurera la tension produite par les cellules, la comparera avec celle de la batterie, puis déterminera la meilleure tension pour recharger cette batterie. En procédant de la sorte, on peut accroître le rendement de 95 %.
"Lors de mauvaises conditions météo, des batteries à hautes-performances sont nécessaires. Elles aussi sont dues à la technologie spatiale. Celles qui se trouvent à bord de Nuna II comportent 46 grandes cellules Lithium-ion qui sont connectées en série pour produire 5 kW/h d'énergie électrique. De nouveau, elles ont été au départ mises au point pour équiper les satellites où une fiabilité élevée est requise. Leur première utilisation dans l'espace se fera à l'occasion de la mission lunaire SMART-1."
"Last but not least, notre capitaine pour les communications est l'astronaute Wubbo Ockels", ajoute Kuster avec fierté. Ockels, un ex-astronaute de l'ESA, dirige à présente le Bureau d'Education de l'ESA et il donne des cours sur le vol spatial habité comme professeur à la Technical University de Delft. C'est lui qui a mené la première Nuna à la victoire en 2001.
"Nuna II va-t-elle gagner ? Je crois que l'équipe a de grandes chances", admet Ockels. "Ce sera une course difficile que d'aller de Darwin à Adelaïde en octobre. Ce qui représente une traversée de 3 010 km dans le désert australien au moment où débute la saison chaude. On aura affaire, pendant quatre jours à une bataille contre les éléments. Comme en 2001, nous enverrons une voiture à l'avant pour prévenir les obstacles qui se trouvent sur la route. Le reste de l'équipe et moi-même suivront Nuna II dans un véhicule de maintenance pour collecter les données sur la température et le courant produits par les cellules solaires."
"Cette information aidera le pilote à définir la stratégie, comme de déterminer s'il vaut mieux conduire rapidement pour échapper à la couverture nuageuse ou aller lentement pour économiser l'énergie. Nous analyserons aussi les toutes dernières images de satellites météo ainsi que les bulletins du temps. Choisir la meilleure stratégie de course nous aidera à prendre le dessus sur les autres teams."
Après sa course victorieuse en 2001 dans le désert australien, Nuna a été exposée, lors d'un tour d'Europe, dans les écoles et musées de 35 villes, dans une douzaine de pays européens. Ce programme éducatif a permis de valoriser la technologie spatiale pour un monde plus durable et montré, de façon évidente, comment les rêves de jeunes peuvent se réaliser. En mai 2004, Nuna II roulera à nouveau, cette fois, en Grèce dans le rallye Phaeton 2004 pour voitures solaires, une initiative de la Cultural Olympiad 2001-2004. Pour la première fois, à l'occasion de Jeux Olympiques, des véhicules mus à l'énergie solaire et réalisés par de jeune chercheurs du monde entier, prendront part à un rallye. Cette course, dont le départ et l'arrivée se situeront à Athènes, permettra de visiter des sites historiques comme Olympie et Delphes. Elle servira à adresser un message clair que des activités peuvent être menées à bien dans le respect de l'environnement naturel.
"Le plus important, précise Ockels, est que les voitures sont conçues et pilotées part de jeunes chercheurs qui sont créatifs et motivés grâce à de tels événements. En Australie, le team Nuna II démontrera cette créativité et cette motivation. Rien d'étonnant à ce qu'ils constituent de nouveau l'un des équipages favoris pour remporter la course."