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Le premier équipage de Mars 500 célébré à sa sortie
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Après 105 jours, Mars semble un peu plus près

17/07/2009 1536 views 0 likes
ESA / Space in Member States / France

Au terme de trois mois et demi d’enfermement volontaire, les six volontaires de la première phase de l’expérience Mars 500 sont sortis de leur « vaisseau immobile ». Ce faisant, ils ont ouvert une porte : celle qui mènera à la réalisation d’une simulation en vraie grandeur d’un vol aller-retour de près de 18 mois vers Mars afin de mieux comprendre comment un équipage pourra s’adapter et travailler dans de telles conditions d’isolation et de confinement.

Ce 14 juillet, l’été moscovite bat son plein et la température est étouffante dans le vaste hall de l’Institut pour les Problèmes Biomédicaux (IBMP) envahi par les caissons qui constituent le « vaisseau » de l’expérience Mars 500. Journalistes, photographes, cameramen et officiels se pressent autour d’une impressionnante porte métallique sur laquelle des scellés a été apposés le 31 mars dernier. A 14 heures très précises, un technicien en combinaison kaki brise les sceaux, déverrouille un énorme cadenas et manœuvre une poignée surdimensionnée. La porte s’ouvre dans un grincement et sous le crépitement des flashes apparaissent les visages radieux des premiers membres de l’équipage du « vaisseau » : le cosmonaute russe Oleg Artemyez, suivi du volontaire français de l’ESA Cyrille Fournier et de son homologue allemand Oliver Knickel. Les trois autres volontaires russes apparaissent à leur suite.

« Juste avant l’ouverture de la porte, nous avons eu un sentiment mitigé » décrira Cyrille Fournier un peu plus tard. « D’une part la satisfaction d’avoir accompli quelque chose, et d’autre part presqu’une frustration d’en arriver à la fin. Nous étions bien là-dedans ». Avant de sortir, les six hommes ont déjeuné ensemble une dernière fois, terminant les derniers légumes qu’ils ont fait pousser dans leur serre.

Accueilli à sa sortie par un médecin portant un masque chirurgical, l’équipage descend quelques marches, pose pour des photos puis le cosmonaute Sergueï Ryazansky, commandant de l'équipage, s’avance vers Igor Ouchakov, directeur de l’IBMP, se met au garde-à-vous et annonce officiellement la fin de la mission. Trois jeunes femmes remettent alors de grands bouquets de fleurs aux six hommes qui sont congratulés par la délégation officielle – et notamment par Simonetta Di Pippo, directeur de l’ESA pour les vols habités et l’exploration, et par Johann-Dietrich Wörner, qui représente le DLR, l’agence allemande de recherche aérospatiale – avant d’être emmenés pour une série d’examens médicaux.

A l’étage, les personnels de l’IBMP ont déployé une banderole : « Privyet pervoprokhodtsam Marsa ! » (« Salutations aux pionniers de Mars ! »). C’est un peu prématuré, mais les six volontaires, dont deux sont de véritables astronautes de l’Agence spatiale russe Roskosmos, ont sans aucun doute contribué à nous rapprocher un peu plus d’une véritable expédition vers la Planète Rouge.

Préparation psychologique pour Mars

Cyrille Fournier répond aux questions des journalistes
Cyrille Fournier répond aux questions des journalistes

Car en passant 105 jours dans une maquette de vaisseau martien, l’équipage de cette première phase n’a effectué qu’un « galop d’essai », destiné à démontrer que les infrastructures et les procédures opérationnelles et expérimentales sont bien adaptées pour la mission principale qui durera, elle, 520 jours, soit la durée envisagée par la Russie dans son modèle de mission vers Mars. Cette première phase faisait partie des conditions demandées par l’ESA pour participer à l’expérience aux côtés de la Russie. De fait, même si cette première expérience s’est parfaitement déroulée, quelques adaptations devront être réalisées.

L’équipage de cette première phase a ainsi été confronté à des défaillances matérielles et a dû effectuer des réparations « à bord ». Pour l’expérience principale, il est désormais prévu de fournir un stock d’équipements de rechange et de pièces détachées pour faire face à ces défaillances. « S’ils parviennent à réparer tant mieux, mais sinon, ils devront poursuivre la mission en se passant de l’équipement défaillant » explique Elena Feichtinger, directeur adjoint de la mission Mars 500 pour l’ESA.

Pour tous, et à commencer par Cyrille Fournier, la plus grande surprise de cette première phase a été plutôt l’absence de (mauvaise) surprise : « Ça s’est passé mieux qu’on ne l’espérait. Nous étions bien préparés et donc bien plus efficaces pour faire face à des situations qui auraient pu dégénérer au-delà du raisonnable. Ces 105 jours sont passé très vite, nous étions très occupés, avec plein de choses à faire, l’ambiance était bonne et je suis fier d’avoir cinq nouveaux amis ».

« C’était un très bon équipage, avec une bonne distribution des rôles et une très grande complémentarité » confirme Sergueï Ryazansky. « S’ils postulent, je suis prêt à repartir avec eux ». Le Français, qualifié de « boute-en-train » de l’équipage reconnaît pour sa part que l’équipe a su s’adapter aux baisses de moral et aux sautes d’humeur des uns et des autres, bien naturels en situation de stress et parfois de fatigue liée aux protocoles expérimentaux ou aux situations d’urgences simulées ou réelles, comme des pannes. « Certaines situations ont été assez stressantes mais tout est toujours resté sous contrôle » se réjouit Sergueï Ryazansky.

« Le plus difficile à gérer a été la perturbation du sommeil, en particulier à cause de l’absence de références externes comme la lumière du jour », confie Cyrille Fournier, qui reconnaît aussi avoir souffert de la séparation d’avec les proches. Oliver Knickel, lui, se plaint plutôt de la monotonie des journées et du régime.

Enfermés pour la science

A bord, Cyrille Fournier analyse l'hydrogène contenu dans ses poumons pour une des nombreuses expérimentations
A bord, Cyrille Fournier analyse l'hydrogène contenu dans ses poumons pour une des nombreuses expérimentations

Au cours de leurs 15 semaines d’isolation, les six hommes n’ont pas eu le temps de s’ennuyer. Un important programme de recherche scientifique leur a été imposé, car outre les aspects psychologiques d’un confinement et d’une isolation au niveau des relations humaines, un intérêt particulier a été porté aux effets psychophysiologiques et en particulier aux conséquences d’un tel milieu sur l’évolution du système immunitaire des candidats.

Evidemment, les volontaires n’ont pas subi de nombreuses contraintes d’une mission spatiale véritable : ni stress du lancement, ni impesanteur, ni radiations, mais ce n’était pas le but de l’opération.

« Ce n’est pas vraiment un vol spatial » reconnaît Johann-Dietrich Wörner, « mais ça s’en rapproche suffisamment pour que nous puissions avoir des résultats significatifs ». Côté russe, on ne cache pas son enthousiasme : « Nous avons collecté de quoi nourrir nos réflexions pendant longtemps ! » s’exclame Boris Ouchakov. « Nous savons que la psychologie humaine est capable de réagir pour gérer le stress, mais il est important pour nous de comprendre exactement comment cela se passe d’un point de vue médical ».

Les données collectées serviront à préparer les vols spatiaux du futur mais auront aussi des applications sur Terre, notamment pour l’étude des habitudes alimentaires ou des troubles du sommeil, en particulier en situation de stress.

Au total, 72 expérimentations ont été conduites sur l’équipage et certaines se poursuivront au-delà de leur sortie, pour suivre leur réadaptation à la vie normale. Quelques résultats préliminaires devraient être disponibles dans trois à six semaines. Le dépouillement complet et l’analyse fine prendront bien plus longtemps, d’autant que les résultats seront enrichis par ceux de l’expérience en vraie grandeur, qui doit démarrer début 2010. « Il n’y aura pas de changement radical entre cette première phase et la phase principale ce qui prouve que nos modèles étaient bons » se réjouit Boris Ouchakov.

A leur sortie, les volontaires sont apparus amincis. Ce n’est pas lié au stress estiment les principaux intéressés, mais à l’entraînement physique et au suivi nutritionnel strict qui a été leur quotidien pendant ces trois mois et demi.

Du sol à l’orbite

Cyrille prépare Oliver pour un électroencéphalogramme
Cyrille prépare Oliver pour un électroencéphalogramme

Après la conférence de presse, alors que Cyrille Fournier répond de son mieux aux sollicitations des journalistes, un grand jeune homme discret se fraie un chemin vers lui. Il s’agit de Thomas Pesquet, nouvel astronaute français récemment sélectionné par l’ESA et qui doit entamer son entraînement le 1er septembre. Lorsqu’il aperçoit, Cyrille lui tombe dans les bras en riant. Avant d’être candidat à l’enfermement volontaire, Cyrille Fournier est commandant de bord sur Airbus A320 chez Air France où Thomas est pilote. Les deux hommes se connaissent et ont même volé ensemble. Pour Cyrille, il n’y a toutefois aucun doute : « le vrai astronaute c'est lui ! » s’exclame-t-il en présentant son ami. Lors de sa sélection pour Mars 500, en décembre dernier, Cyrille avait expliqué que puisqu’il ne pouvait pas être astronaute, participer à cette expérience serait ce qu’il pourrait accomplir qui s’en rapprocherait le plus.

Pour assister à l’événement du jour Thomas Pesquet a fait le voyage à l’IBMP avec son homologue allemand Alexander Gerst et avec Paolo Nespoli, l’astronaute de l’ESA qui assurera le prochain vol européen de longue durée à bord de l’ISS de novembre 2010 à mai 2011. « Il est important de montrer la continuité entre ce que nous faisons ici et ce que nous faisons à bord de l’ISS » explique Simonetta Di Pippo. « D’ailleurs, d’une certaine manière nous avons une autre mission de confinement en cours, à bord de l’ISS depuis le 29 mai ! ».

Il y a cependant une différence de taille, et ce n’est pas l’impesanteur. L’une des conditions majeures imposées lors de l’expérience Mars 500 est l’introduction sur une partie du « vol » d’un délai d’une vingtaine de minutes dans les communications afin de simuler les conditions d’un vaisseau sur une trajectoire interplanétaire ou autour de Mars. Ce délai rend impossible toute conversation en direct. Or, à bord de l’ISS, les astronautes sont en communication quasi permanente avec les contrôleurs au sol, avec lesquels ils commentent et discutent toutes les procédures au fur et à mesure qu’ils les appliquent. En pratique, les astronautes de l’ISS ne sont jamais seuls, mais la situation sera très différente pour ceux qui voyageront à travers le Système Solaire.

L’apprentissage de l’autonomie

Les caissons d'isolation de l'expérience Mars 500 à l'IBMP avec la surface martienne dans le hangar à gauche.
Les caissons d'isolation de l'expérience Mars 500 à l'IBMP avec la surface martienne dans le hangar à gauche.

Pour l’équipage de Mars 500, cette absence de contact s’est traduite par davantage d’autonomie et de prises de responsabilité au niveau de l’équipage, comme cela devra être la règle sur un vaisseau martien. Privés du soutien du sol, les isolés volontaires sont de fait des « chercheurs indépendants » qui doivent effectuer leurs expériences en totale autonomie, ce qui constitue une révolution dans la culture du spatial. Simonetta Di Pippo admet rêver de pouvoir un jour réaliser une expérience d’isolement de ce type directement à bord d’un module de l’ISS, mais cela nécessiterait d’adapter les contraintes opérationnelles de sécurité.

L’annonce de l’équipage pour la mission principale de Mars 500 est prévue en septembre. Cette fois-ci, les volontaires simuleront le voyage aller-retour vers Mars, avec une étape intermédiaire durant laquelle ils seront confinés dans un caisson plus petit simulant l‘atterrisseur martien et au cours de laquelle deux d’entre eux pourront enfiler en scaphandre pour « marcher » sur une surface martienne reconstituée. Certains membres de ce premier équipage pourraient en être. Ce ne sera pas le cas de Cyrille Fournier, qui avoue avoir « d’autres projets ». Aurélie, sa fiancée, l’attend patiemment à l’écart de la foule des journalistes. Ils doivent convoler en juste noce dans quelques jours.

Pourtant, quand un journaliste lui demande s’il serait prêt à faire le voyage vers Mars, « pour de vrai », Cyrille répond par l’affirmative, sans hésitation. En attendant, il espère pouvoir soutenir un autre Français, Arc’hanmael Gaillard, qui a servi de doublure sur cette première phase et qui postule pour l’expérience de 520 jours. « Il nous a bien suivi, il nous a envoyé des messages tous les jours et j’espère qu’on sera là pour en faire autant pour lui ».

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