Herschel intercepte l’astéroïde Apophis
Herschel, l’observatoire spatial de l’ESA dans l’infrarouge, a réalisé cette semaine de nouvelles observations de l’astéroïde Apophis tandis qu’il s’approchait de la Terre. Ces nouvelles données indiquent que l’astéroïde serait plus grand mais moins réfléchissant qu’attendu.
Herschel, l’observatoire spatial de l’ESA dans l’infrarouge, a réalisé cette semaine de nouvelles observations de l’astéroïde Apophis tandis qu’il s’approchait de la Terre. Ces nouvelles données indiquent que l’astéroïde serait plus grand mais moins réfléchissant qu’attendu.
Désigné sous la référence (99942) Apophis, ce caillou céleste (initialement repéré comme 2004 MN4) est régulièrement qualifié d’astéroïde de la fin du monde dans les grands médias. Il doit cette réputation au fait que les premières observations, lors de sa découverte en 2004, le créditaient de 2,7 chances sur 100 de frapper la Terre en avril 2029.
Des observations complémentaires ont cependant permis d’écarter tout risque de collision en 2029, bien que l’astéroïde passe alors en dessous des 36 000 km de l’orbite géostationnaire.
Apophis reviendra dans les parages terrestres en 2036, mais sans qu’on sache encore précisément avec quelle proximité puisque tout dépendra des conséquences exactes sur son orbite du passage de 2029. De ce fait, obtenir des paramètres physiques plus précis quant à Apophis et son orbite est déterminant pour faire de meilleures prévisions de sa trajectoire future.
Herschel a eu une bonne opportunité pour cela en fin de semaine dernière, observant l’astéroïde pendant près de deux heures alors qu’il approchait de la Terre avant son passage au plus proche d’aujourd’hui, à une distance légèrement inférieure à un dixième de la distance Terre-Soleil : environ 14,5 millions de km. Ces observations ont été effectuées dans le cadre du programme de temps d’observation garanti MACH-11.
« Au-delà de l’importance des données scientifiques en elles-mêmes, comprendre les propriétés fondamentales des astéroïdes nous fournira les détails essentiels à la mise au point de missions qui pourraient rendre visite à ces objets potentiellement dangereux » prend soin de préciser Laurence O’Rourke, responsable scientifique du programme d’observation MACH-11 de l’ESAC (European Space Astronomy Centre).
« Apophis n’est jamais que le deuxième astéroïde géocroiseur observé par Herschel, et il s’agissait de l’objet le plus rapide qu’il ait jamais eu à suivre, avec une vitesse de déplacement apparent de 205 secondes d’arc par heure. »
Herschel a livré les premières observations d’Apophis en infrarouge thermique à différentes longueurs d’onde lesquelles, couplées aux observations dans le visible, ont permis de peaufiner les estimations des paramètres de l’astéroïde. Alors que les précédentes estimations lui donnaient un diamètre aux environs de 270 m plus ou moins 60 m, les nouvelles observations d’Herschel donnent un résultat de 325 m plus ou moins 15 m.
« Ces 20% d’augmentation du diamètre, en le faisant passer de 270 à 325 m, se traduisent par une augmentation de 75% du volume ou de la masse » précise Thomas Muller de l’Institut Max Planck de Garching, en Allemagne, qui mène les analyses des données.
En analysant la chaleur émise par Apophis, Herschel a également fourni une nouvelle estimation de l’albédo de l’astéroïde (la quantité de lumière incidente qu’il réfléchit) à 0,23. Cela signifie qu’il renvoie 23% de la lumière solaire qui frappe sa surface, alors que le reste est absorbé et réchauffe l’astéroïde. Les précédentes estimations de l’albédo d’Apophis tournaient autour de 0,33.
Connaissant les propriétés thermiques d’un astéroïde, il est possible de savoir comment son orbite peut être modifiée par le subtil réchauffement solaire. Connu sous le nom d’effet Yarkovsky, le cycle de réchauffement et de refroidissement d’un petit corps céleste en rotation tandis que sa distance au Soleil varie peut impliquer des changements à long terme de l’orbite de l’astéroïde.
« Ces chiffres sont de premières estimations ne reposant que sur les observations d’Herschel, et d’autres campagnes d’observation en cours depuis le sol fourniront des éléments additionnels qui permettront encore d’améliorer nos résultats » se réjouit Thomas Müller.
« Bien qu’Apophis ait initialement attiré l’attention du grand public du fait de ses risques de collision avec nous, ce qui est à présent considéré comme hautement improbable dans un futur prévisible, il reste très intéressant à étudier en tant que géocroiseur » confirme Göran Pilbratt, responsable scientifique du projet Herschel.
« Nos mesures inédites réalisées avec Herschel jouent un rôle essentiel dans la caractérisation physique d’Apophis, et améliorera les prévisions à long terme de sa trajectoire. »
Notes pour les médias
Les observations d’Apophis ont été réalisées dans le cadre d’un programme de temps d’observation garanti appelé MACH-11. Les 11 astéroïdes et comètes observés dans le cadre de son programme ont été ou seront visités par des sondes spatiales, ou des missions de ce type sont en cours d’évaluation dans le cas d’Apophis.
Quatre observations ont été menées avec l’instrument PACS, qui contient à la fois un photomètre imageur et un spectromètre imageur. La caméra opère dans trois bandes de longueur d’onde centrées sur 70, 100 et 160 micromètres.
Les observations d’Apophis ont débuté à 23h54 35s le 5 janvier 2013 et se sont terminées le 6 janvier 2013 à 02h04 12s, soit un total de deux heures et 10 minutes.
Apophis n’est que le deuxième astéroïde géocroiseur observé par Herschel après l’astéroïde 2005 yu55, lequel a été étudié en novembre 2011.
Herschel est un observatoire spatial de l’ESA doté d’instruments scientifiques fournis par un consortium dirigé par l’Europe avec d’importantes contributions de la NASA. PACS a été développé par un consortium d’instituts menés par MPE (Allemagne) et comprenant UVIE (Autriche); KU Louvain, CSL, IMEC (Belgique); CEA, LAM (France); MPIA (Allemagne); INAF-IFSI/OAA/OAP/OAT, LENS, SISSA (Italie); IAC (Espagne). Ce développement a été soutenu financièrement par les agences BMVIT (Autriche), ESA-PRODEX (Belgique), CEA/CNES (France), DLR (Allemagne), ASI/INAF (Italie), et CICYT/MCYT (Espagne).