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Déchargement du 3e étage d'Ariane L01
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Il y a 25 ans, Ariane embarquait...

02/11/2004 1710 views 0 likes
ESA / Space in Member States / France

Avant de lancer la 1ère Ariane, à la veille de Noël 1979, encore fallait-il la transporter d’Europe en Guyane. Une véritable odyssée qui inaugurait une aventure logistique qui continue aujourd’hui avec Ariane 5 et bientôt Vega.

Nous sommes le 12 septembre 1979, le tout premier lanceur de la famille Ariane, le L01, quitte le Site d’Intégration Lanceur (SIL) de l’ESA, exploité par Aerospatiale, aux Mureaux, à 40 km de Paris. Nous n’en sommes encore qu’aux débuts du programme, et avant d’envisager son transfert vers la Guyane, Ariane L01 a d’abord subi une intégration de ses étages dans le SIL afin de vérifier que tous les éléments s’assemblent bien ensemble. Cette opération sera également effectuée sur les trois autres lanceurs de qualification (L02 à L04). Par la suite, le deuxième étage, réalisé par MBB-Erno à Brême, en Allemagne, évitera l’étape des Mureaux et sera embarqué directement sur place.

Mais en cette fin d’été d’il y a 25 ans, on n’en est pas encore là. Les trois étages d’Ariane ainsi que les deux demi-coiffes ont été douillettement installés dans cinq conteneurs blancs, eux-mêmes montés sur des trains de roulement, et c’est un convoi réellement exceptionnel qui va parcourir les 2 km jusqu’au port public des Mureaux, où les conteneurs sont chargés sur barge à destination du Havre. Les éléments plus légers, comme la jupe et la case, rejoignent le port par la route. Là, les conteneurs sont chargés à bord du « Carimaré », un cargo de 8 100 t appartenant à la CGM qui quitte Le Havre le 15 septembre. Destination : le Dégrad des Cannes, le port de Cayenne.

Toutes ces opérations, qui sont encore loin d’être routinières, sont émaillées de petits incidents mais se déroulent sans rencontrer de difficulté majeure. Il faut dire qu’elles ont déjà été répétées un an plus tôt, et que là rien n’avait été si simple.

Opération Thésée

Embarquement de la « maquette ergols »
Embarquement de la « maquette ergols »

En juin 1978, une Ariane inerte, la « maquette ergols », a déjà fait le voyage. Expédiée à Kourou, elle a servi à valider toutes les interfaces avec l’ensemble de lancement avant l’arrivée du premier lanceur. Au passage, elle a démontré l’importance d’une bonne logistique de transport pour le succès du programme.

« Rien que le transport des conteneurs d’Honfleur aux Mureaux a été un vrai calvaire » se souvient Guy Laslandes. Il était alors adjoint du chef de programme Ariane au Centre National d’Etudes Spatiales - auquel l’ESA avait délégué le développement et la qualification du lanceur européen - et est aujourd’hui l’un des rares responsables de cette époque à être encore en activité, puisqu’il dirige l’équipe thématique “lanceurs, infrastructures orbitales et utilisation de la Station Spatiale Internationale” du CNES.

Alors que l’essentiel du lanceur rejoint le Havre à bord de deux barges, une grève des mariniers impose de transporter l’un des étages par la route, afin de démontrer que la logistique du programme Ariane est à l’abri des mouvements sociaux. Le convoi prend la route sous la protection de 600 policiers. C’est « l’opération Thésée ». Les services d’EDF, de la voirie et des PTT accompagnent également le convoi pour ôter les éventuels obstacles (lignes électriques, panneaux et câbles téléphoniques) et les réinstaller après le passage du convoi, le tout au milieu d’un incessant ballet de motards.

Le convoi emprunte les petites routes pour éviter ponts et tunnels et l’opération semble se dérouler sans anicroche jusqu’au moment où, vers 1h du matin, le convoi reste bloqué en plein centre de Rouen – rue du Contrat Social, ça ne s’invente pas - et doit manœuvrer pendant plus d’une heure pour négocier un virage difficile.

La « maquette ergols » descend la Seine
La « maquette ergols » descend la Seine

Une fois parvenu au Havre, l’embarquement à bord du cargo est un moment délicat.

« Les grues de levage ne parvenaient pas à hisser le conteneur du premier étage en le maintenant droit : il était trop long ! » raconte Guy Laslandes. « Il a fallu tricoter avec les deux grues du cargo pour réussir à le passer en biais ».

La traversée sera homérique également car les capteurs du système de pressurisation qui contrôle l’environnement des étages à l’intérieur des conteneurs a été réglé avec une trop grande sensibilité et les alarmes se déclenchent à la moindre variation de pression ou de température.

A l’arrivée à Cayenne, le 6 juillet, il s’avère beaucoup plus difficile que prévu de réinstaller les conteneurs sur leurs trains de roulement. Le transfert à Kourou par la route constituera une ultime épreuve car à cette époque, la nationale 1 tient encore par endroits de la piste de brousse. Elle sera entièrement refaite plus tard pour devenir un véritable « billard ».

Le montage de la « maquette ergol » sur l’Ensemble de Lancement Ariane n°1 (ELA-1) prendra plusieurs mois et ne sera achevé que le 1er février 1979. Après son démontage en juillet suivant et son rapatriement en Europe, elle servira à une ultime validation : celle d’un retour de lanceur aux Mureaux par la route. Une opération qui prendra trois jours pour effectuer 175 km. Plus de 200 câbles EDF ou PTT seront relevés ou coupés. Cette opération ne sera renouvelée qu’une seule fois, en 1985.

L’apprentissage de la logistique

Embarquement du lanceur Ariane L01 au Havre
Embarquement du lanceur Ariane L01 au Havre

« Ces opérations nous ont énormément appris sur l’importance de la logistique » souligne Guy Laslandes. Les contraintes imposées par le transport à travers l’Europe et l’Atlantique des différents éléments du lanceur dicteront quelques-unes des dimensions du lanceur Ariane 5, notamment le diamètre de l’enveloppe des accélérateurs à poudre, dont les tronçons réalisés à Augsbourg, doivent pouvoir rejoindre leur port d’embarquement par voie ferroviaire ou routière.

Le transport des étages réalisés aux Mureaux se fait toujours par barge, mais maintenant, le nouveau SIL Ariane 5 dispose de son propre port d’embarquement.

Au total, en 25 ans, ce sont 165 lanceurs Ariane – soit plus de 900 étages - qui ont fait le voyage vers la Guyane.

Pour la traversée de l’Atlantique, les premiers lanceurs Ariane ont emprunté régulièrement le « Mont Ventoux », un autre cargo de la CGM, puis à partir de 1984 le « M/S Atlas », un cargo spécialement modifié pour cette tâche. En 1988, le « M/V Ariana » a pris le relais pour le transport des Ariane 4, dont les conteneurs ne rentraient plus dans le « M/S Atlas ». Deux nouveaux cargos rouliers adaptés aux dimensions d’Ariane 5, les « MN Toucan » et « MN Colibri », lancés en 1995 et 2000, ont remplacé depuis le « M/V Ariana ». Ils assurent aujourd’hui le transport des lanceurs directement d’Europe au Dégrad Pariacabo, le port de Kourou.

Débarquement du 3e étage d'Ariane L01
Débarquement du 3e étage d'Ariane L01

Ce sont ces deux navires qui transporteront également les étages des lanceurs Vega depuis l’Italie à partir de 2007.

« L’une de nos premières contraintes de développement a été de ne pas réinventer ce qui existait déjà afin de faciliter les tâches logistiques » remarque Benoît Geffroy, ingénieur système en charge de l’assemblage, de l’intégration et des essais au sein de l’équipe intégrée du programme Vega, à l’ESRIN, le centre de recherche de l’ESA à Frascati, près de Rome. Le premier étage P80 sera transporté vide pour être chargé en propergol à Kourou. « Ce sera un élément relativement spectaculaire, mais il devrait utiliser le même type de conteneur que ceux des segments des accélérateurs d’Ariane 5 ». De même, les moteurs Zefiro des étages supérieurs devraient faire le voyage à bord de conteneurs dont la taille devrait avoisiner celle des étages supérieurs d’Ariane 4. « La principale difficulté n’est pas technique mais réglementaire » reconnaît Benoît Geffroy. En effet, la législation européenne actuelle qui réglemente le transport des matières dangereuses est plus contraignante qu’en 1979, mais l’ESA et ses partenaires industriels ont déjà largement démontré leur compétence dans ce domaine en amenant en Guyane quelque 185 accélérateurs à poudre d’Ariane 4 et une cinquantaine de segments chargés pour Ariane 5, soit plus de 2 000 tonnes de propergol solide.

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