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La technologie spatiale aux Jeux paralympiques

21/09/2004 880 views 0 likes
ESA / Space in Member States / France

Aux Jeux paralympiques 2004 cette semaine, Wojtek Czyz, le recordman du monde du saut en longueur, va s’appuyer sur la technologie et le savoir-faire du secteur spatial pour tenter de gagner sa première médaille olympique. La prothèse qu’il va utiliser pour la compétition a été en partie réalisée dans des matériaux conçus pour l’espace pour qu’elle soit à la fois plus résistante et plus légère.

Czyz a perdu une partie de sa jambe lors d’un accident de sport, il y a trois ans et pour continuer sa passion « pour tout ce qui touche au sport », il a dû avoir recours à une prothèse.

« J’avais un gros problème avec mon ancienne prothèse parce que la connexion d’angle entre le genou et le ressort du mollet se cassait souvent quand je faisais du saut en longueur », explique-t-il. Non seulement cela posait un problème pratique, mais, plus important encore, cela créait une barrière psychologique. « A l’entraînement, j’avais toujours peur que ma jambe artificielle ne tienne pas et je ne savais jamais jusqu’où je pouvais aller moi-même et jusqu’où je pouvais pousser ma prothèse, lorsque je sautais ».

Les matériaux spatiaux à la rescousse

Saut en longueur assisté par la technologie spatiale
Saut en longueur assisté par la technologie spatiale

La plupart des personnes handicapées doivent s’accommoder de prothèses « standard » pour leur vie de tous les jours et le marché de composants sur mesure pour les activités sportives reste très limité. Les prothèses standard qu’utilisent les athlètes doivent être optimisées pour réduire leur poids et être conçues pour supporter les niveaux de charge du sport de compétition.

Le Bureau de Transfert et Promotion des Technologies de l’ESA, ainsi que MST Aerospace, le courtier de transfert de technologie allemand qui gère le réseau de Transfert de Technologie de l’ESA, ont entendu parler des problèmes de l’athlète lors de reportages de la TV allemande et dans la presse. Après des contacts avec Czyz pour voir quels étaient ses besoins essentiels en termes de technologie, l’ESA et MST ont décidé de s’attaquer au problème.

La technologie spatiale peut aider les personnes qui souffrent de handicaps
La technologie spatiale peut aider les personnes qui souffrent de handicaps

« L’objectif », précise Pierre Brisson, Directeur du Bureau de Transfert et de Promotion de Technologie de l’ESA, « c’était de mettre des solutions issues des technologies spatiales au service des personnes handicapées pour les aider à participer à des compétitions sportives de haut niveau et pour leur offrir une meilleure qualité de vie ».

Avec Wojtek Czyz, trois domaines à améliorer ont été identifiés : le membre artificiel en tant que tel, les conditions de forme et d’entraînement.

Des études biomédicales ont permis de déterminer quels éléments de la prothèse pouvaient être améliorés pour la course et le saut. Il en est ressorti que le principal problème venait de l’élément de jonction de l’articulation du genou, c’est-à-dire la connexion en L entre le genou artificiel et la structure en carbone qui remplace le mollet.

Wojtek Czyz
Wojtek Czyz

Au nom de l’ESA, MST a pris contact avec ISATEC, une société allemande spécialisée dans les matériaux de haute performance pour les projets spatiaux, comme les alliages d’aluminium à haute résistance, le titane ou les plastiques renforcés aux fibres de carbone (PRFC). La société conçoit et analyse des structures en PRFC pour les moteurs de fusées et l’expérience AMS (Alpha Magnet Spectrometer) pour la Station spatiale internationale (ISS). L’AMS est un détecteur conçu pour l’étude de l’antimatière extraterrestre, de la matière et de la matière manquante. En utilisant les mêmes techniques et le même savoir-faire, l’ISATEC a analysé et optimisé la connexion en L pour améliorer le membre artificiel utilisé pour les sports de compétition.

« Une analyse de détail laisse entrevoir différentes solutions pour différents sports, chacune optimisée pour un usage particulier » explique Johannes Schmidt, responsable de projet chez MST. « Pour le sprint, on a mis au point un support en aluminium à haute résistance, le matériau utilisé par l’ESA sur son expérience AMS ».

Czyz avec sa prothèse améliorée sur le saut en longueur
Czyz avec sa prothèse améliorée sur le saut en longueur

« Pour le saut en longueur, la situation est différente et un support en matériau composite a été conçu à base de couches alternées de carbone et de tissu » précise Johannes Schmidt. « Sur la base des commentaires de l’athlète, la première version a été modifiée et une deuxième version plus douce a été fabriquée ».

L’analyse d’effort couche par couche effectuée sur plus de 40 couches unidirectionnelles et du tissu était particulièrement importante car elle permettait de vérifier que le matériau retenu pour la connexion était suffisamment résistant pour supporter la charge accrue lors du saut en longueur. Le support plus rigide et plus résistant en L est à la fois plus léger et plus solide, ce qui donne aux athlètes une meilleure sécurité à l’entraînement.

« Ce n’est que grâce à des années de travail en utilisant et en optimisant ces matériaux spéciaux pour les utiliser dans l’espace qu’il a été possible de produire les supports de haute performance de la prothèse de Czyz » continue Schmidt.

L’entraînement

A l’entraînement
A l’entraînement

Czyz a également informé MST de problèmes pour fixer la prothèse à sa jambe. « En fonction de mon état général, la taille de mon moignon peut augmenter ou diminuer, il devient alors difficile de bien fixer la prothèse. Elle s’est même détachée lors de certains entraînements ».

Après discussion avec le Centre des astronautes européens européen (EAC) et le Réseau Européen Soins et Santé, créé par l’ESA pour mettre au point, promouvoir et commercialiser des solutions de santé et de bien-être issues de la recherche et du développement spatial, le responsable du Réseau Soins et Santé, Filippo Ongaro, a proposé d’utiliser l’électro stimulateur électronique musculaire percutané (PEMS) pour éviter toute atrophie musculaire supplémentaire et augmenter la masse musculaire.

Czyz sur le PEMS II
Czyz sur le PEMS II

Le PEMS a été développé et produit par la société suisse Syderal pour prévenir les effets de la microgravité chez les astronautes, en particulier, l’atrophie musculaire et ses effets connexes comme la déminéralisation osseuse et le déconditionnement cardiovasculaire. En 1996, le PEMS I a été embarqué sur la Navette spatiale et le PEMS II doit être livré à l’ISS en mai prochain.

En juin de cette année, la Direction pour les vols habités de l’ESA a mis à disposition le système d’entraînement PEMS II qui a été installé à l’université allemande du Sport de Cologne (DSHS) pour aider Czyz à augmenter sa masse musculaire et réduire l’atrophie de sa jambe. L’entraînement a été supervisé par le Pr. Narici de l’Université de Manchester qui avait déjà effectué des recherches poussées sur les PEMS I et II, le Dr. Zange de l’Institut de Médecine aérospatiale au Centre aérospatial allemand (DLR), avec la coopération du Dr. Scheider et du Dr. Abel de l’Institut du Contrôle Moteur et Mouvement au DSHS, ainsi que le Pr. Maffulli de la Faculté universitaire de médecine de Keele. Le DLR a également mis à disposition des dispositifs d’entraînement à Köln Porz.

« J’ai pu m’entraîner pendant 10 semaines avec le PEMS. Cela a amélioré la masse musculaire de ma jambe et je n’ai donc plus eu de problèmes pour mettre ma prothèse. Même quand je ne suis pas en forme, la masse musculaire de ma jambe ne bouge pas » raconte Czyz.

Préparation pour le sprint du 100 m et du 200 m
Préparation pour le sprint du 100 m et du 200 m

Pour l’entraînement, l’athlète a utilisé une combinaison mise au point par la société italienne Grado Zero Espace et dotée d’une membrane à mémoire de formes, réalisée à partir de polymères utilisés pour les applications spatiales ainsi que pour les mousses des roues rétractables sur les véhicules d’exploration planétaire ou les structures spatiales déplyables.

Czyz a également des espoirs de médaille sur le sprint en 100 m et 200 m, mais sa discipline préférée reste le saut en longueur. « Participer aux Olympiades, c’est angoissant parce que ce n’est pas la même chose que sauter dans son environnement habituel. En 2003, j’ai battu le record du monde avec un saut de 5.85 et grâce aux nouveaux éléments inclus dans ma prothèse, mes sauts ont progressé de 20 cm. J’espère pouvoir établir un nouveau record olympique à Athènes en dépassant les 6 m. »

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