MSG : La nouvelle sentinelle spatiale de l'Europe
ESA Info 4-2002. "L'Europe a connu cette semaine des conditions climatiques extrêmes, avec de la pluie et du froid sur les îles britanniques, de la neige sur certaines régions de France, et une chaleur étouf-fante en Bulgarie, en Turquie et en Grèce. Ce temps très perturbé succède à la canicule qui a frappé le sud-est de l'Europe la semaine dernière, faisant au moins 38 morts, jusqu'à ce que des vents violents entraînent une chute des températures le 7 juillet." CNN, le 13 juillet 2000.
Ce bulletin météo diffusé par CNN, avec pour titre "L'Europe connaît à nouveau des conditions météorologiques extrêmes", illustre les perturbations climatiques inhabituelles enregistrées sur notre continent depuis quelques années. Bien que le climat de l'Europe occidentale soit généra-lement tempéré et facilement prévisible, il semble que les catastrophes dues au mauvais temps soient en constante progression.
Au cours des quinze dernières années, ces conditions anormales ont également provoqué un ou-ragan dans le sud du Royaume-Uni, des inondations aux Pays-Bas, en France, dans le nord de l'Italie, en Allemagne et en Angleterre, une tempête qui a abattu des millions d'arbres dans toute la France, des pluies diluviennes et des torrents de boue en Italie et en Suisse.
Fort heureusement, l'apparition des techniques modernes d'observation spatiale font que nous n'avons plus besoin d'interpréter la couleur d'un coucher de Soleil ou la forme des nuages pour prévoir le temps qu'il fera le lendemain. Une flottille internationale de satellites scrute désor-mais la Terre et adresse ses données en continu aux différents centres météorologiques mon-diaux.
Les satellites Météosat de seconde génération (MSG), sur lesquels travaille depuis dix ans l'Agence spatiale européenne (ESA), sont aujourd'hui ce qui se fait de mieux et de plus mo-derne sur le plan technologique. Le premier de ces puissants observatoires météorologiques de-vrait être lancé en août prochain.
Un climat perturbé
Bien que l'évolution du temps apparaisse aujourd'hui plus difficile à prévoir en raison du ré-chauffement constant de la température moyenne de la Terre, les évènements extrêmes demeu-rent assez rares. Une perturbation aussi violente que l''"ouragan" qui a frappé l'Angleterre en 1987 n'est susceptible de se produire qu'une fois tous les deux cents ans.
Les conséquences économiques et sociales entraînées par de mauvaises prévisions météorologi-ques peuvent cependant s'avérer catastrophiques. Les fortes intempéries ne font pas que détruire les arbres et les maisons. Elles provoquent des bouleversements, menacent la vie humaine et ruinent des économies locales.
En novembre 1998, le Worldwatch Institute et Munich Re - la première compagnie mondiale de réassurance - ont indiqué que le montant total des pertes entraînées par les tempêtes, les inondations, la sécheresse et les incendies au cours des onze premiers mois de cette année là avait atteint la somme astronomique de 89 milliards de dollars, soit 50 % de plus que le précédent record de 60 milliards de dollars enregistré en 1996. En outre, quelque 32000 personnes ont trouvé la mort au cours de ces intempéries et 300 millions d'autres ont été déplacées, ce qui équivaut presque à la population de l'Union européenne.
Que peut-on faire dans ces conditions ? Si l'on ne peut prévenir les tempêtes et les périodes de sécheresse, on peut prévoir leur arrivée. C'est à cela que servent les techniques d'observations modernes. En plaçant des instruments extrêmement sensibles sur des satellites en orbite basse comme MSG, les météorologistes peuvent surveiller en continu les changements incessant dont l'atmosphère est le théâtre.
En Europe, le temps subit l'influence prépondérante des dépressions venant de l'Atlantique, amenées par le jet stream et les vents d'ouest dominants.
Les informations sur les conditions atmosphériques régnant au dessus de l'Atlantique fournies par les navires et les stations météo automatiques étant relativement fragmentaires, les météoro-logistes se tournent de plus en plus vers les satellites. Ceux-ci adressent en effet un flux rapide et constant d'images et de données qui peuvent faire toute la différence entre les prévisions pré-cises et celles qui ne sont pas fiables.
Succédant à la remarquable série des satellites Météosat, les satellites MSG de nouvelle généra-tion permettront de mieux observer l'évolution de l'atmosphère au dessus de l'Atlantique, de l'Europe et de l'Afrique.
MSG-1, qui bénéficiera des technologies les plus récentes, analysera les conditions atmosphéri-ques avec plus d'acuité encore qu'aujourd'hui, améliorera les prévisions à long-terme et les dé-lais d'alerte avant les tempêtes, tout en constituant un outil essentiel pour les recherches sur le climat.
Chasseurs de tempête
Bien que leur nom ne soit pas nécessairement familier à l'homme de la rue, les satellites Météosat jouent - depuis un quart de siècle - un rôle très important dans la vie quotidienne des européens. Plus de 300 millions de personnes regardent chaque jours, à l'heure du bulletin météo diffusé par la télévision, les "photos satellites" très colorées adressées par ces sentinelle spatiales.
Ces images, ainsi que d'autres données, sont fournies par le système Météosat depuis 1977, date à laquelle a été lancé le premier satellite météorologique européen. Sept satellites de ce type ont été mis sur orbite au cours des vingt dernières années, chacun d'entre eux assurant la fourniture quasi-permanente d'images et autres données destinées aux services météorologiques d'Europe et d'Afrique.
Les trois premiers Météosat ont été entièrement financés et développés par l'ESA. Aujourd'hui, l'Agence continue à assurer la mise au point des équipements nécessaires à ces satellites, mais la conduite des opérations au jour le jour est confiée depuis le 1er décembre 1995 à Eumetsat, l'Organisation européenne de satellites météorologiques.
Les Européens ne sont pas les seuls à bénéficier de ce service. Les données qu'il fournit sont utilisées pour améliorer les prévisions météorologiques au Moyen-Orient et dans l'Afrique tout entière, et les satellites Météosat jouent également un rôle essentiel au sein du réseau mondial des satellites météorologiques qui surveillent le globe en permanence, depuis l'orbite géosta-tionnaire d'où ils survolent constamment un même point de l'équateur.
Il est toutefois apparu nécessaire, au début des années 90, de développer une version améliorée des satellites Météosat afin de suivre les progrès technologiques et de répondre à la demande des utilisateurs qui réclament des prévisions à long terme de plus en plus précises. Dix-sept pays européens, à savoir l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Fin-lande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, et la Turquie, ont décidé de collaborer à la fabrication et à l'exploita-tion d'un satellite Météosat de seconde génération (MSG).
Nouvelle génération
Trois satellites MSG sont actuellement prévus. Ils sont fabriqués par un consortium industriel européen dirigé par Alcatel Space Industries (France), sous la supervision de l'Agence spatiale européenne. Les ingénieurs et les scientifiques de l'ESA ont planifié le développement de cette nouvelle génération dès 1984 et ont commencé, en 1990, à élaborer les technologies de pointe nécessaires aux satellites comme aux instruments installés à leur bord. Il appartient à l'Agence d'évaluer les besoins de ses clients et de les satisfaire grâce à de nouvelles technologies. L'ESA a veillé au bon déroulement du processus de production et financé MSG-1 à hauteur des deux tiers du coût total de développement initial de 378 millions d'€.
S'appuyant sur son savoir-faire scientifique et son expérience de la gestion, l'ESA jouera le rôle d'agent d'approvisionnement pour les satellites MSG-2 et MSG-3. "Des négociations sont ac-tuellement en cours afin de réaliser un quatrième satellite qui permettrait de garantir au mini-mum 12 ans d'exploitation continue" a précisé M. Gerd Dieterle, chef du projet MSG au Centre européen de recherche et de technologie spatiales de l'ESA (ESTEC) installé aux Pays-Bas, ajoutant que les météorologistes "ne pourront plus se passer de MSG".
La conception des nouveaux satellites a été sensiblement améliorée par rapport à celle de leurs prédécesseurs pour répondre aux besoins des chercheurs comme des compagnies d'assurance et autres utilisateurs commerciaux qui réclament la fourniture de données spatiales de plus en plus fréquentes et complètes.
Le nouveau satellite, de forme cylindrique, pèsera 2 tonnes, soit trois fois plus que ses prédé-cesseurs, tout en bénéficiant d'une stabilisation gyroscopique comme la génération actuelle. La charge utile de MSG-1 comprendra trois instruments : deux radiomètres capables de détecter la lumière réfléchie par la surface terrestre dans différentes longueurs d'ondes et un répéteur pour les missions de recherche et de sauvetage.
L'instrument le plus important est l'imageur visible et infrarouge amélioré non degyré (SEVIRI), une version perfectionnée du radiomètre équipant les précédents satellites Météosat. Alors que les instruments plus anciens ne peuvent mesurer le rayonnement réfléchi par la sur-face terrestre et l'atmosphère que dans trois canaux spectraux - lumière visible, infrarouge ther-mique et vapeur d'eau - SEVIRI sera en mesure d'enregistrer 12 longueurs d'ondes. Cela lui per-mettra de recueillir un éventail de données beaucoup plus large, susceptibles de nourrir les modèles numériques servant à prédire le temps.
"Les prévisions météorologiques à moyen terme sont devenues beaucoup plus précises au cours des dernières années et devraient s'améliorer encore à l'avenir grâce aux nouveaux produits fournis par MSG" estime le Dr. Tony Hollingsworth, Directeur de la recherche au Centre euro-péen de prévisions météorologiques à moyen terme, installé au Royaume-Uni.
Huit canaux seront réservés à l'infrarouge thermique, ce qui permettra de recueillir des informa-tions sur la température des nuages, des terres émergées et des surfaces océaniques. D'autres permettront aux météorologistes de disposer de données sur l'ozone, la vapeur d'eau et le gaz carbonique et de déterminer ainsi les caractéristiques de différentes masses d'air afin d'élaborer un modèle tridimensionnel de l'atmosphère.
SEVIRI disposera non seulement de capacités multispectrales mais sera également capable de distinguer des détails d'à peine un kilomètre dans les longueurs d'ondes visibles, à comparer avec une précision de 2,5 km pour les instruments de première génération. Il sera également en mesure d'adresser deux fois plus d'images que les Météosat actuels, soit une tous les quarts d'heure au lieu d'une toutes les demi-heures.
Ces progrès permettront de localiser plus précisément des éléments comme les nuages de tem-pête et les bancs de brouillard, ainsi que de prévoir plus rapidement et plus exactement l'arrivée des orages et la progression des fronts de tempête et autres phénomènes météorologiques dangereux.
L'une des avancées majeures sera rendue possible par le canal "ozone" de SEVIRI, le premier à équiper un satellite géostationnaire européen. La réduction de la couche d'ozone permet au dangereux rayonnement ultraviolet d'atteindre la surface de la Terre, en accroissant les risques de cancer de la peau.
"Cela nous permettra d'évaluer les niveaux d'ozone de la stratosphère inférieure et, plus tard dans l'année, de prévoir les dosages de rayonnement ultraviolet à l'attention de toutes les agen-ces nationales" a encore indiqué le Dr. Hollingsworth.
La taille et les capacités beaucoup plus importantes de MSG ont permis à l'ESA de ménager une place à bord du satellite à un instrument important dans le domaine de la climatologie, connu sous le nom d'expérience de bilan radiatif terrestre sur orbite géostationnaire (GERB). Réalisé par un consortium à direction britannique, avec la participation de la Belgique et de l'Italie, le radiomètre GERB mesurera le rayonnement solaire reflété par l'atmosphère et le rayonnement thermique émis par la Terre.
En mesurant toutes les quinze minutes, dans les ondes courtes et les ondes longues, le rayon-nement provenant de notre planète, GERB permettra aux chercheurs de calculer avec une grande précision le bilan radiatif terrestre, c'est-à-dire le rapport entre le rayonnement venant du Soleil et celui renvoyé dans l'espace. Jusqu'à présent, cette information n'était disponible que sous la forme de brefs instantanés envoyés par des satellites en orbite terrestre basse.
Les données fournies par GERB permettront aux chercheurs européens d'être à la pointe des études conduites sur le changement climatique mondial, avec leurs implications en matière de production agricole et de prévisions des catastrophes naturelles.
"Nous effectuerons des mesures régulières dans l'hémisphère survolé par le satellite, mais GERB dispose d'une résolution spatiale de 50 km sur 50 km ce qui permettra d'observer des ré-gions plus petites comme le Sahara ou la partie centrale de l'Atlantique, à la découverte des processus qui régissent leurs systèmes climatiques locaux" a expliqué le Professeur John Har-ries, Président de l'équipe scientifique internationale GERB.
"GERB nous permettra également d'étudier le rôle des poussières et des aérosols dans le bilan radiatif" a-t-il ajouté. "Le courant de poussière qui se trouve au dessus de l'Atlantique modifie par exemple le bilan radiatif des zones tropicales en reflétant et en absorbant le rayonnement émis".
MSG-1 contribuera à sauver des vies de manière plus directe encore grâce à son répéteur pour les missions de recherche et de sauvetage. Celui-ci permettra en effet de relayer vers une station au sol les éventuels signaux de détresse adressés par des navires ou des avions dans sa zone de couverture, favorisant ainsi l'organisation rapide des secours.
En complément de tous ces instruments, MSG emportera une charge utile de télécommunica-tions très perfectionnée, nécessaire à l'exploitation du satellite, à ses télécommunications et à la diffusion des données auprès des utilisateurs. Cet équipement permettra également relayer les données météorologiques envoyées par des stations automatiques installées au sol, sur des navi-res, des balises ou des avions.
Calendrier
Le premier satellite MSG sera lancé par une fusée Ariane-5 qui décollera en août 2002 de Kou-rou, en Guyane. Le moteur du satellite placera celui-ci en attente sur une orbite équatoriale, à 10 degrés de longitude ouest, où ses instruments seront vérifiés et calibrés.
Après six mois, lorsque toutes les opérations de vérifications auront été accomplies, MSG-1 se-ra mis à poste à 0 degré de longitude, en échangeant sa position avec celle de Météosat 7, le sa-tellite opérationnel actuel. Le deuxième satellite MSG sera lancé un an plus tard, permettant ainsi de remplacer progressivement les satellites Météosat de première génération. Un troisième satellite sera mis sur orbite si nécessaire.
Chaque MSG ayant une durée de vie opérationnelle de sept ans (deux ans de plus que les Météosat actuels), cette nouvelle génération de satellites offrira à l'Europe un système économique et performant qui lui permettra, jusqu'en 2012, de conserver un rôle majeur dans la fourniture de données météorologiques à l'échelle mondiale.
Les données brutes fournies par MSG seront transmises à la station sol de Darmstadt, en Alle-magne, où elles seront traitées et renvoyées vers le satellite qui les relaiera vers les utilisateurs répartis à travers le monde. Les services offerts par la famille Météosat aux utilisateurs opéra-tionnels et scientifiques d'Europe de l'ouest et de l'est, d'Afrique, d'Amérique du nord et du sud, du Proche-Orient et même de l'Arctique et de l'Antarctique seront ainsi maintenus.
Dans quelques années, les satellites MSG seront rejoints par le premier satellite météorologique européen sur orbite polaire, METOP, ce qui permettra de proposer à une large gamme d'utilisa-teurs des données encore plus intéressantes et plus complètes. METOP représentera la nouvelle contribution de l'Europe au programme de veille météorologique mondiale "World Weather Watch" (WWW). Il contribuera à faire progresser la compréhension du climat à l'échelle du globe.
Les nouvelles sentinelles spatiales de l'Europe permettront à des secteurs économiques aussi divers que l'agriculture, les transports, le tourisme, le bâtiment et les travaux publics, de dispo-ser, comme les différents services météorologiques publics, d'instruments d'analyse beaucoup plus précis, capable de prévoir le temps non plus à quelques jours mais à des semaines, voir à des saisons de distance.
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