Artemis en route vers son orbite définitive
ESA PR 5-2002. Grâce à la propulsion ionique, la mission Artemis, menacée d'un quasi-échec, est en passe de connaître une réussite remarquable. Les opérations nominales pourraient démarrer cet été ; le satellite de l'ESA, construit par le maître d'œuvre Alenia Spazio (I), jouera alors un rôle essentiel dans le domaine des hautes technologies et des télécommunications de pointe.
Le 12 juillet 2001, 30 minutes après son décollage du port spatial de l'Europe à Kourou, en Guyane française, il est apparu que le satellite Artemis avait été placé par le lanceur Ariane-5 sur une orbite de transfert plus basse que prévu, dont l'apogée (le point le plus éloigné de la Terre) se situait à seulement 17 000 km au lieu des 36 000 km visés.
Habituellement, un satellite conventionnel ne transporte pas suffisamment d'ergols pour compenser une telle défaillance du lanceur. La présence à bord d'Artemis d'un système de propulsion ionique(*), mode de propulsion 10 fois plus efficace que la propulsion chimique classique, a permis d'envisager le sauvetage du satellite. La conception novatrice et particulièrement souple du système de propulsion d'Artemis, alliée à l'ingéniosité, à la solidarité et au talent de l'équipe de sauvetage, est la clé du succès de cette entreprise, sans laquelle la mission serait perdue.
Le rehaussement initial de l'orbite à l'aide de la réserve limitée d'ergols disponibles (propulsion chimique) a été accompli en moins de 10 jours par une équipe de spécialistes d'Alenia Spazio, d'Astrium et de Telespazio secondés par des ingénieurs de l'ESA (voir communiqués de presse de l'ESA n°43 et 44/2001). Une réaction rapide était essentielle pour prévenir la dégradation du satellite qui n'aurait pas manqué de se produire en cas d'exposition prolongée aux niveaux de rayonnement de la ceinture de Van Allen. La durée des mises à feu a été calculée de façon à atteindre une orbite d'attente ne présentant pas de danger tout en conservant environ 70 kg d'ergols dans les réservoirs, ce qui permettait une durée de vie nominale de 5 à 7 ans à ce poste.
Toutes les opérations se sont déroulées parfaitement : 5 mises à feu au périgée ont suffi pour porter l'apogée à 31 000 km. Puis 3 mises à feu à l'apogée ont placé Artemis sur une orbite d'attente circulaire de 31 000 km. Compte tenu du caractère exceptionnel de la situation et du parfait fonctionnement du satellite, les mises à feu au périgée et à l'apogée ont été extrêmement efficaces, consumant environ 95% des ergols chimiques embarqués.
La dernière manœuvre de rehaussement de l'orbite, à l'aide des moteurs ioniques, a exigé un travail intense de préparation, en raison notamment de la nécessité de modifier l'orientation nominale du satellite, qui ne sera plus tourné vers la Terre pendant cette dernière trajectoire. Il a fallu définir de nouvelles lois de pilotage du système embarqué et élaborer, tester et installer les nouveaux logiciels correspondants, dans des délais réduits. De nouvelles procédures opérationnelles ont dû être définies et la configuration du matériel a dû être modifiée pour répondre à des exigences non prévues à la conception. C'est un véritable défi qu'il a fallu relever, une première pour l'Europe avec un satellite de communication.
En janvier 2002, tous les nouveaux modules logiciels étaient prêts, Alenia Spazio et Astrium les ayant soumis à tous les tests. Artemis entame aujourd'hui la trajectoire en spirale qui va le soustraire à la sécurité de son orbite d'attente pour lui faire parcourir, à une vitesse d'environ 1km/h, les quelque 5000 km qui le séparent encore de son orbite nominale.
Tandis que la première partie du rehaussement de l'orbite, qui reposait sur la propulsion chimique, s'est déroulée en quelques jours, la dernière étape devrait durer plus de 200 jours. Deux moteurs ioniques fonctionneront de façon quasi continue. En effet, la poussée de ces moteurs est très faible (15 millinewtons). Pour donner une idée de la tâche qu'ils vont accomplir, on peut comparer leur travail au pilotage d'un paquebot avec un moteur de hors-bord. Artemis devrait arriver cet été à son altitude nominale de 36 000 km.
Parallèlement à la préparation du rehaussement de l'orbite, les charges utiles de communication ont été vérifiées depuis le sol. Les essais de communication avec le satellite d'observation de la Terre SPOT-4 du CNES (voir communiqué de presse de l'ESA n°75/2001) ont été l'événement le plus marquant de cette vérification : une image de SPOT-4 a été transmise par liaison laser à Artemis qui l'a, à son tour, transmise par ondes hertziennes au centre de traitement de Spot Image à Toulouse. Tous les essais ont confirmé que les charges utiles d'Artemis sont en bon état et prêtes à prendre part au programme technologique et opérationnel de communication.
Le satellite est maintenant en route vers son emplacement nominal sur l'orbite géostationnaire. Cette mission, qui a failli être perdue, est en passe d'être intégralement sauvée puisque Artemis sera finalement à même de desservir ses utilisateurs, à partir de son orbite géostationnaire, pendant une durée de vie opérationnelle d'au moins 5 ans.
(*) Le principe de tout type de propulseur dans l'espace consiste à accélérer des molécules et à les expulser du satellite à la plus grande vitesse possible. Les propulseurs classiques utilisent une réaction chimique entre un combustible et un comburant pour échauffer un gaz et éjectent ses molécules à une vitesse de l'ordre de 3 km/s. Les systèmes de propulsion électrique commencent par ioniser (charger électriquement) des molécules de gaz (du xénon dans le cas présent) ; le gaz ionisé est alors accéléré par des champs électriques et éjecté du satellite à une vitesse de l'ordre de 30 km/s.
Pour tout complément d'information, veuillez contacter :
Gotthard Oppenhäuser
Chef du projet Artemis, ESA/Noordwijk (ESTEC)
Téléphone : +31 (0)71 565 3168