GOCE: le premier sismographe en orbite
Il est courant que les satellites cartographient les changements observables sur la surface terrestre lors des tremblements de terre, mais jusqu’à maintenant les ondes sonores causées par des séismes n’ont jamais pu être détectées directement depuis l’espace. GOCE, le satellite de mesure du champ de gravité terrestre de l’ESA, doté d’une extrême sensibilité, a ajouté une autre “première” à sa liste de succès.
Un grand tremblement de terre ne provoque pas seulement des ondes sismiques à l’intérieur de notre planète, mais il fait aussi vibrer la Terre comme un tambour. Ces vibrations produisent des ondes sonores qui montent dans l’atmosphère.
Lors de leur propagation, la taille de ces ondes passe de quelques centimètres au sol à plusieurs kilomètres dans l’atmosphère résiduelle située à une altitude comprise entre 200 et 300 km.
Seules les ondes sonores à basse fréquence – les infrasons – peuvent atteindre cette altitude. Elles génèrent des mouvements verticaux qui font dilater et contracter l’atmosphère par accélération des particules d’air.
Aujourd’hui, le Japon se souvient des 20 000 victimes du séisme et du tsunami qui ont ravagé la côte nord-est du pays il y a exactement deux ans. Des études récentes ont révélé que le choc provoqué par ce séisme d’une grande magnitude fut aussi détectable dans l’espace et que le satellite GOCE a enregistré sa trace.
Depuis son lancement en 2009, GOCE a mesuré le champ de gravité de la Terre avec une précision inégalée tout en étant sur l’orbite la plus basse de tous les satellites d’observation. Avec une altitude de moins de 270 km, ce satellite doit s’opposer à la résistance de l’air pendant qu’il traverse l’atmosphère résiduelle.
Ce satellite, de conception ingénieuse, est équipé d’un moteur ionique innovant qui corrige automatiquement sa trajectoire en produisant des poussées soigneusement calculées. Les mesures sont fournies par des accéléromètres d’une très grande précision.
La position ultra-stable de GOCE en orbite basse permet de mesurer le champ de gravité de la Terre de manière très précise. La densité de l’atmosphère et les vents verticaux peuvent être déduits des données fournies par le système de propulsion ainsi que par les accéléromètres.
Les scientifiques de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie en France, de l’Agence Française de l’Espace CNES, de l’Institut de Physique du Globe de Paris et de l’Université de technologie à Delft aux Pays-Bas, en coopération avec le Programme scientifique de la Direction de l’Observation de la Terre de l’ESA, ont étudié les mesures déjà collectées afin d’exploiter au maximum les données de GOCE.
Leurs études ont révélé que GOCE avait détecté des ondes sonores causées par le séisme japonais du 11 mars 2011.
Quand GOCE a traversé ce champ d’ondes, ses accéléromètres ont détecté des mouvements verticaux dans l’atmosphère qui entourait le satellite de la même façon que les enregistrements de sismomètres à la surface terrestre. Des modifications ondulatoires de la densité de l’air ont aussi été détectées.
“Les sismologues sont particulièrement intéressés par cette découverte car ils étaient quasiment les seuls scientifiques d’études terrestres qui ne disposaient pas d’instrument dans l’espace directement comparable à ceux utilisés au sol,” a précisé Raphael Garcia de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie.
“Avec ce nouvel outil, ils peuvent commencer à regarder vers l’espace pour mieux comprendre ce qui se passe sous leurs pieds.”
Comme le montre cette animation, GOCE, qui tourne autour de la terre à une vitesse de 8 km/s, a croisé les infrasons qui avançaient au-dessus de l’Océan Pacifique à une vitesse comparable aux ondes sismiques au sol, c’est-à-dire à environ 4 km/s. Ensuite, après son survole du pôle Nord, GOCE a croisé une nouvelle fois le champ d’ondes des infrasons situé au-dessus de l’Europe.
Ces observations représentent les premiers enregistrements d’ondes atmosphériques causées par des tremblements de terre.
Sean Bruinsma du CNES ajoute : “Les analyses sismiques du passé, basées sur les données des missions CHAMP et GRACE, restaient malheureusement infructueuses. Nous sommes vraiment très satisfaits que les ondes que nous cherchions aient pu être détectées par GOCE dans les données collectées à basse altitude et de manière très précise.”
Rune Floberghagen, Responsable de la mission GOCE à l’ESA, affirme que “l’équipe en charge de GOCE a toujours su que ses accéléromètres étaient quelques chose d’extraordinaire.
“Ils ont une sensibilité qui est environ 100 fois supérieure aux accéléromètres précédents. En fait, avec une telle performance, il était évident que les données recueillies trouveraient aussi de nouvelles utilisations en dehors du domaine du champ de gravité, par exemple pour explorer l’environnement spatial d’une nouvelle manière.
“Maintenant, nous sommes bien sûr très contents de voir que ces prévisions se réalisent et qu’elles puissent être utilisées dans un champ d’étude aussi intéressant que la sismologie.”