Le télescope spatial Euclid est en bonne voie
La mission Euclid de l’ESA a franchi une nouvelle étape de son parcours jusqu’au lancement. Ses deux instruments sont maintenant construits et entièrement testés. Ceux-ci ont été livrés à Airbus Defence and Space à Toulouse, où ils sont maintenant en cours d’intégration avec le télescope pour former le module de charge utile de la mission.
Euclid est un télescope équipé d’un miroir de 1,2 mètres de diamètre qui est conçu pour fonctionner à la fois dans les longueurs d’ondes visibles et proche infrarouge — ces dernières étant juste au-delà de la lumière rouge que l’œil humain peut voir. Le télescope va recueillir la lumière d’objets cosmiques lointains et l’envoyer dans ses deux instruments.
L’imageur observant en lumière visible (Visible instrument - VIS) et le spectro-imageur dans le proche infrarouge et photomètre (Near Infrared Spectrometer and Photometer - NISP) fonctionneront en parallèle et enregistreront simultanément les données de la portion du ciel vers laquelle est pointée le télescope.
La mission Euclid a pour objectif de mesurer la forme de plus d’un milliard de galaxies, ainsi que de mesurer avec précision le décalage vers le rouge de dizaines de millions de galaxies à travers plus d’un tiers du ciel. Le décalage vers le rouge est un effet causé par l’expansion de l’Univers qui étire la longueur d’onde de la lumière émise par les galaxies distantes ; plus la galaxie se trouve loin, et plus le décalage vers le rouge est extrême. Les galaxies dans le sondage mené par Euclid couvriront plus de 10 milliards d’années d’histoire cosmique et permettront aux scientifiques d’étudier les mystérieuses matière noire et énergie noire qui domineraient l’Univers.
L’instrument VIS effectuera les mesures précises des formes des galaxies en prenant les meilleures images possibles des galaxies lointaines. L’instrument utilise à cet effet une mosaïque de 36 capteurs CCD, composés chacun d’une matrice de 4000 pixels par 4000 pixels. Le détecteur possédera au total environ 600 mégapixels.
Parmi les équipes françaises d'Euclid, le Laboratoire d'astrophysique de Marseille
Le nombre de pixels est impressionnant mais l’instrument fournira également la meilleure sensibilité par faible luminosité sur une vaste gamme de longueurs d’ondes à longs temps d’intégration.
L’autre instrument, NISP, est dédié aux mesures spectroscopiques des galaxies, ce qui nécessite de décomposer leur lumière en longueurs d’ondes individuelles. Cela permet de déduire le décalage vers le rouge. Cette propriété permet aux cosmologistes d’estimer la distance qui nous sépare de la galaxie en question, et permettra aux données d’Euclid de devenir le plus grand et le plus précis sondage en 3D de l’Univers jamais réalisé.
« L’équipe internationale de NISP et les industriels qui nous ont soutenus ont accompli un travail incroyable afin de concevoir, développer et tester cet instrument complexe, » déclare Thierry Maciaszek, chef de projet de l’instrument NISP, pour le CNES et le Laboratoire d’astrophysique de Marseille.
« Ce n’est néanmoins pas la fin de l’histoire pour nous puisque des opérations importantes doivent être effectuées avec NISP au niveau du satellite. Nous attendons avec impatience la première lumière en vol qui prouvera les excellentes performances globales. »
Le détecteur NISP bénéficiera du plus grand champ visuel sur un instrument infrarouge ayant jamais volé dans l’espace.
« La qualité des optiques est tout simplement incroyable, » déclare Tobias Boenke, ingénieur des systèmes de la mission et de l’instrument NISP à l’ESA.
L’un des facteurs clés de la précision exceptionnelle des optiques d’Euclid est une décision prise tôt dans l’histoire du projet de construire l’ensemble du module de charge utile en carbure de silicium, déjà utilisé pour les missions Herschel et Gaia. Pour Euclid, ce matériau a été utilisé tant pour les instruments que le télescope.
Alors que le métal se contracte et se dilate lorsqu’il est confronté à des changements de température, ce qui altère la faculté d’un système optique de concentrer la lumière très précisément, le carbure de silicium est très stable lors de telles variations de température. Mais l’utilisation de ce composé comporte son lot de défis ; le carbure de silicium est une céramique, dure, mais bien plus fragile que le métal.
« C’était un grand défi que d’être capable de fabriquer les instruments à partir de ce matériau, tout en nous assurant qu’ils ne seraient pas endommagés pendant le lancement, » ajoute Tobias Boenke.
Un télescope construit par Airbus à Toulouse
Les instruments recevront la lumière du télescope Euclid, qui a déjà été assemblé par Airbus à Toulouse. Comme les instruments, il a également été fabriqué en carbure de silicium ; c’est une réalisation à la pointe de la technologie dans tous les domaines.
Lorsque les données de VIS et NISP seront combinées, les scientifiques seront à même de déduire la manière dont la distribution des structures galactiques de l’Univers s’est construite tout au long de l’histoire cosmique. Cela les aidera à déterminer la vitesse à laquelle de telles structures grandissent, ce qui donnera de fortes contraintes en termes de nature et de quantité de matière noire et d’énergie noire dans l’Univers.
Les instruments avaient été préparés pour leur livraison à Airbus juste avant les restrictions et les confinements liés à la pandémie de COVID-19 qui ont été instaurés dans de nombreux États membres de l’ESA. VIS était heureusement déjà chez Airbus et NISP a dû attendre quelques semaines à Marseille avant sa livraison à Toulouse, mais il n’était pas sur le chemin critique.
“Je suis extrêmement reconnaissant à toutes les parties prenantes du projet — les instituts, les industriels et mes collègues à l’ESA — pour leur dévouement et leur engagement pendant cette période difficile, » déclare Giuseppe Racca, chef de projet Euclid à l’ESA.
Maintenant que les instruments ont été livrés à Airbus, ils seront dans un premier temps intégrés avec le télescope et ensuite avec le reste de la charge utile. Le parcours a déjà été long pour en arriver jusque-là. Euclid a été sélectionné pour implémentation en 2011, après presque déjà cinq années d’études. Même s’il y a encore beaucoup de travail et de tests à venir, la livraison des instruments et du télescope signifie que le véhicule spatial est en bonne voie.
« Nous avons enfin quelque chose sous les yeux, » déclare Luis Miguel. « Ce n’est plus seulement sur le papier. C’est un équipement fantastique, qui est très beau à sa manière.”
L’intégration de la charge utile va prendre plusieurs mois ; le travail est minutieux, il s’agit de tout boulonner, en alignant les éléments avec précision et en s’assurant de toutes les connections électroniques. Les unités de contrôle de l’instrument ont déjà été intégrées mécaniquement et électriquement au module de la charge utile. Des tests ont vérifié que les instruments peuvent être alimentés électriquement par le véhicule spatial, qu’ils peuvent dialoguer avec les ordinateurs embarqués, et transmettre les données scientifiques qui seront ensuite envoyées sur Terre au moyen des antennes du véhicule spatial.
Une fois que le reste du module de la charge utile aura été intégré au télescope, celui-ci sera expédié au Centre spatial de Liège, en Belgique, pour un test de bout en bout dans une chambre à vide qui simule du mieux possible sur Terre les conditions rencontrées dans l’espace. Ce test est prévu en février et en mars 2021.
Décollage en 2022 depuis la Guyane
Une fois que ce test aura montré que tout fonctionne comme prévu, le module de la charge utile sera envoyé au maître d’œuvre, Thales Alenia Space (TAS), situé à Turin, en Italie. TAS construit le module de service qui contient des systèmes essentiels comme l’alimentation, la propulsion, et les communications.
La structure principale du module de service a récemment passé des tests structurels et thermiques. Celui-ci est maintenant prêt pour l’intégration de systèmes variés. TAS commencera par poser les canalisations du système de propulsion et les câbles d’autres systèmes distribués. L’électronique de vol, y compris les ordinateurs, les alimentations électriques et les unités de contrôle d’attitude qui sont déjà montés sur leurs propres panneaux, va maintenant pouvoir être installée dans la structure principale. L’intégration devrait se terminer au troisième trimestre 2021, et d’autres tests seront alors effectués.
TAS intégrera ensuite le module de la charge utile avec le module de service afin de finaliser le véhicule spatial. Une nouvelle série de tests permettra de s’assurer que tout fonctionne correctement. Le véhicule spatial sera alors terminé, et prêt au décollage.
Le décollage est actuellement prévu pour la seconde moitié de 2022 depuis le Port spatial de l’Europe situé à Kourou, en Guyane.
Plus d’informations sur la mission Euclid
Euclid est une mission spatiale d’astronomie et d’astrophysique de l’ESA de moyenne catégorie. La mission tirera avantage du cisaillement gravitationnel, qui mesure la distorsion des galaxies lointaines causée par de la matière qui s’interpose, ainsi que des oscillations acoustiques des baryons, obtenues en mesurant l’agglomération des galaxies, pour obtenir une image en 3D de l’évolution de la distribution de la matière noire et de la matière ordinaire (baryonique) dans le cosmos. Cela permettra aux scientifiques de reconstruire les derniers milliards d’années de l’histoire de l’expansion de l’Univers ; ils pourront estimer l’accélération causée par la mystérieuse énergie noire avec une précision au pour cent près, et les éventuelles variations d’accélération avec une précision de 10%.
L’ESA a sélectionné Thales Alenia Space comme maître d’œuvre pour la construction du satellite et de son module de service, et Airbus Defence and Space pour le développement du module de la charge utile, y compris le télescope.
Euclid comprend deux instruments : l’imageur observant en lumière visible (VIS) et le spectro-imageur dans le proche infrarouge et photomètre (NISP). Le consortium Euclid est composé d’un ensemble d’instituts, financés au niveau national, qui collaborent à la définition de la mission scientifique, à la fourniture des instruments scientifiques et à l’analyse des données. L’instrument VIS est construit par un consortium d’instituts, financés au niveau national, dirigé par le Laboratoire de science spatiale Mullard, de l’University College de Londres au Royaume-Uni. L’instrument NISP est construit par un consortium d’instituts, financés au niveau national, dirigé par le Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (LAM) ; ses détecteurs sont fournis par la NASA.