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La chirurgie dans l'espace ouvre la voie aux vols humains
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Microchirurgie en impesanteur, une première mondiale

05/11/2003 3013 views 1 likes
ESA / Space in Member States / France

Une équipe médico-chirugicale française a démontré avec succès la faisabilité d'opérations de microchirurgie en impesanteur lors de la campagne de vols paraboliques de l'ESA de la mi-octobre.

Cette première mondiale ouvre la voie aux soins chirurgicaux lors de missions spatiales de longues durées, comme des vols habités interplanétaires.

"La chirurgie en impesanteur est impossible à réaliser." Il n'en fallait pas plus que cette assertion péremptoire, assénée par un journaliste voici plusieurs années, pour convaincre les Pr. Dominique Martin et Pierre Vaida, du CHU de Bordeaux, avec le Dr. Laurent de Conynck, anesthésiste et Pierre Téchoueyres, ingénieur à l'Université Bordeaux 2, de tenter l'expérience. Après plus de trois années de préparation dont une année pour mettre au point le matériel, ils ont ainsi embarqué avec leur équipe à bord de l'Airbus 'Zéro G' de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) et du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES), affrété par la société Novespace, pour la 35ème campagne de vols paraboliques de l'ESA des 14, 15 et 16 octobre derniers.

Les interventions, effectuées sur quatre rats, comprenaient la section puis la suture du nerf sciatique et de l'artère caudale. Toutes ces opérations se sont déroulées parfaitement et les rats se sont parfaitement remis. "Aucun d'eux ne traîne la patte",confirme le Dr. de Conynck.

Airbus A300 for parabolic flights
Airbus A300 for parabolic flights

"L'artère de la queue du rat est un vaisseau sanguin d'un diamètre d'un demi-millimètre, c'est l'équivalent de l'artère de la dernière phalange d'un doigt humain, à la racine de l'ongle",explique le Pr. Martin. Ces artères sont les plus petites sur lesquelles on intervienne dans le cadre de la chirurgie plastique ou reconstructive, lorsqu'il s'agit, par exemple, de recoudre un doigt sectionné. A bord de l'Airbus 'Zero G', le Pr. Martin a réussi à effectuer sept points de suture autour de ce vaisseau guère plus gros qu'une aiguille, démontrant parfaitement la faisabilité de telles opérations en milieu spatial.

"Opérer en vol parabolique est en réalité plus complexe qu'en vol orbital", explique le Dr. Didier Schmitt, Chef de l'Unité Sciences de la vie à la Direction des Vols habités de l'ESA. "Le cerveau n'a pas le temps de s'habituer à l'impesanteur pour adapter les réflexes moteurs au fait que vous n'avez pas à compenser le poids de votre bras pour le bouger. Les gestes en vol parabolique, comme durant les premières heures d'un vol spatial, sont peu précis, sans oublier qu'entre deux phases de microgravité il y a des phases à 1,8 g !"

En s'attaquant à l'opération la plus minutieuse dans des conditions pires que celle du vol spatial, les Pr. Martin, Vaida et de Coninck ont donc amplement démontré que la chirurgie dans l'espace était du domaine du possible dans des conditions opérationnelles.

Un matériel adapté à la tâche

Ces interventions, qui ont duré chacune de l'ordre de 5 minutes, réparties sur plusieurs paraboles successives d'une vingtaine de secondes, ont nécessité le développement d'un mini bloc opératoire adapté aux contraintes non seulement de l'impesanteur mais aussi du vol parabolique, avec ses 'ressources' chaque fois que l'Airbus 'Zero G' entame une parabole ou en sort !

Pour cela, les membres de l'équipe étaient sanglés à leur poste et des outils spéciaux avaient été développés, chacun pourvu d'une pastille magnétique afin de pouvoir être fixé à la table d'opération, elle-même métallique. Du scotch double-face et des élastiques ont été également utilisés pour maintenir les compresses et les bobines de fil à leur place.

Les opérations elles-mêmes se sont déroulées dans une petite tente transparente pourvue de manchons pour les mains des intervenants. Cette tente fournissait l'enceinte stérile pour l'intervention, mais permettait aussi de protéger le reste de la cabine de l'Airbus au cas où les choses n'auraient pas tourné comme prévu ou si un instrument chirurgical était parti à la dérive.

"Normalement, en impesanteur, en l'absence de mouvement parasite, les fluides corporels restent en place", note Didier Schmitt. Dans le cas de l'incision d'une veine, une goutte se forme et grossit car le sang a une forte tension de surface qui lui évite de partir en gouttelettes. L'incision d'une artère est toutefois bien plus problématique car l'hémorragie se fait sous pression. L'expérience en vol parabolique s'est toutefois déroulée sans accroc.

Un robot-chirurgien sur Mars

Première mondiale dans l'Airbus "Zéro G" avec quatre interventions de microchirurgie en impesanteur
Première mondiale dans l'Airbus "Zéro G" avec quatre interventions de microchirurgie en impesanteur

Ce succès représente une première mondiale car jusqu'à présent seuls des chercheurs américains s'étaient contentés de simuler des sutures de peau et une hémorragie sur un bras artificiel lors de vols paraboliques. Aucune intervention n'a encore jamais été pratiquée dans l'espace.

Depuis 42 ans que les hommes vont dans l'espace, ils ne disposent en pratique que de l'équivalent de trousses de premier secours pour traiter les urgences médicales. Les vols en orbite terrestre basse permettent d'envisager un rapatriement sanitaire d'urgence en quelques heures si le besoin s'en fait sentir – le cas s'est déjà produit à bord de Mir – mais cela deviendra impossible lorsqu'il s'agira d'effectuer des vols à plus grande distance, vers la Lune ou vers Mars, d'où l'intérêt de démontrer la faisabilité de ce type d'intervention in-situ.

Sur un plan technique et opérationnel, cette opération est d'un grand intérêt pour l'ESA qui étudie, dans le cadre de son programme Aurora, l'ensemble des technologies qui pourraient rendre possible l'envoi d'astronautes vers la Planète Rouge d'ici 25 à 30 ans. Des expériences de télémédecine ont déjà été menées pour valider des concepts de télédiagnostic avec, par exemple, la réalisation d'échographies à distance par un appareillage robotique.

Parabolic Flight Campaign 2003 - Participants and organizers
Parabolic Flight Campaign 2003 - Participants and organizers

"Si on se projette dans 25 ans, il est tout à fait envisageable d'utiliser l'imagerie médicale à bord d'un vaisseau en route vers Mars pour modéliser en 3D la zone à opérer", explique Didier Schmitt. "Aujourd'hui, on utilise déjà ce genre d'imagerie sur Terre pour répéter des opérations à l'aide de robots." Dans l'avenir, cela permettra d'effectuer un diagnostic à distance sur l'astronaute blessé ou malade et de répéter l'opération sur Terre afin de programmer le robot-chirurgien de bord qui pourra ensuite pratiquer son intervention de manière autonome sous la surveillance d'un astronaute médecin, formé aux techniques anesthésiques, en particulier locales et régionales, prêt à reprendre la main en cas de problème. "Avec plus de 40 minutes de délai du signal aller-retour entre la Terre et Mars, une opération de téléchirurgie depuis la Terre est inconcevable."

En vue de telles applications futures de téléscience et télémédecine, l'ESA développe également des moyens de prise de vue et de visualisation stéréoscopique dans son Centre d'information des utilisateurs de la Station spatiale internationale à Noordwijk (Pays-Bas). Ces moyens regroupent la réalité virtuelle, la télévision et la photographie en 3D.

Une expérience dans ce sens a été menée lors de la mission Cervantes (du 18 au 28 octobre), qui a permis à l'astronaute espagnol de l'ESA Pedro Duque de passer une semaine à bord de l'ISS. Pedro Duque avait emporté un appareil photographique 3D pour prendre des vues stéréoscopiques de l'intérieur de la station afin d'évaluer l'utilité d'un tel outil. Par ailleurs, un appareil du même type, ainsi qu'une caméra vidéo 3D du Centre d'information des utilisateurs de l'ISS, avaient d'ailleurs été embarqués à bord de l'Airbus 'Zero G' lors de la campagne d'octobre pour photographier et filmer les expériences en vol parabolique en 3D.

Pour plus d'informations, veuillez contacter :

Dr. Didier Schmitt
Chef de l'Unité Sciences de la vie
Division Utilisation et Promotion de l'ISS
Direction Vols habités et Microgravité
Agence spatiale européenne
Courriel : didier.schmitt@esa.int
Tél. : +31 71 565 4888
Fax : +31 71 565 3661

Pr. Dominique Martin
Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux
Courriel : dominique.martin@chu-bordeaux.fr
Tél. : +33 (0) 5 56 79 55 48

Pr. Pierre Vaïda
Médecine Aérospatiale
Université Bordeaux 2
Courriel : pierre.vaida@u-bordeaux2.fr
Tél. : +33 (0) 5 57 57 13 60

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