Plongée spatiale prolongée
Des scientifiques européens demandent à des volontaires de rester allongé dans une baignoire remplie d’eau pendant 10 jours dans le cadre d’une étude pionnière en immersion sèche visant à recréer certains effets des vols spatiaux sur le corps.
L’expérience Vivaldi a débuté sa troisième et dernière campagne avec 20 participants le mois dernier à la clinique spatiale du MEDES à Toulouse, en France, avec en parallèle la plus longue immersion à date, et une étude complémentaire d’alitement anti-orthostatique.
L’immersion de Vivaldi
Pendant Vivaldi III, 10 volontaires sont allongés dans des dispositifs semblables à des baignoires recouvertes d’un tissu imperméable. Ils sont maintenus au sec et en suspension uniforme dans l’eau.
Immergés jusqu’au-dessus du torse mais avec les bras et la tête au-dessus de l’eau, les participants éprouvent une sensation de flottement avec absence complète d’appui qui est assez similaire à ce que ressentent les astronautes lorsqu’ils sont à bord de la Station spatiale internationale.

Les volontaires restent dans cette position pendant dix jours complets à l’intérieur des conteneurs remplis d’eau. Les participants participent à un large éventail d’expériences médicales et d’études scientifiques pour aider les chercheurs à comprendre comment l’espace affecte le corps humain.
Pour prendre les repas, ils utilisent une planche flottante et un oreiller au niveau du cou. Pour les pauses sanitaires, les participants sont temporairement transférés sur un chariot, mais conservent en permanence la position allongée.
Les deux campagnes précédentes de Vivaldi consistaient en une étude d’immersion sèche sur cinq jours avec des volontaires femmes et hommes. Cette dernière édition élargit le champ d’application en menant en parallèle une immersion sèche de 10 jours et un alitement anti-orthostatique de 10 jours, qui impliquent chacun 10 participants masculins.

Les deux techniques, immersion sèche et alitement anti-orthostatique, peuvent simuler les conditions rencontrées pendant un vol spatial.
« En prolongeant la durée de l’immersion sèche et en la comparant à l’alitement, nous améliorons notre compréhension de la façon dont ces modèles analogues simulent la vie dans l’espace, des différents effets physiologiques et de la complémentarité de ces modèles », explique Ann-Kathrin Vlacil, responsable de l’équipe pour la promotion de la science dans l'exploration humaine à l’ESA.
Simuler sur Terre les modifications corporelles constatées dans l’espace
En micropesanteur, le corps des astronautes subit un large éventail de changements dus à l’absence de gravité – ils perdent de la densité musculaire et osseuse, la forme de leurs globes oculaires peut changer, et les fluides se déplacent vers le cerveau.

L’immersion sèche supprime le poids du corps, ce qui crée des conditions similaires à la micropesanteur, tandis que l’alitement imite le déplacement des fluides et l’inactivité ressentie dans l’espace à cause de la micropesanteur.
Ces deux méthodes induisent des changements physiologiques sur les systèmes neurologiques, cardiovasculaires et métaboliques.
Les chercheurs étudient également les changements hormonaux, les réponses immunitaires et les connexions entre le système nerveux et le système visuel.
Ces conditions analogues permettent aux scientifiques d’effectuer eux-mêmes des évaluations médicales et de surveiller de près les changements corporels en temps réel.
Et sur Terre ?
Les campagnes Vivaldi visent à atténuer les risques pour la santé des astronautes et à concevoir de meilleures contre-mesures pour l’exploration humaine au-delà de la Terre, mais ces recherches pourraient également se traduire par de meilleurs soins de santé sur Terre.

« Il est essentiel pour l’exploration spatiale humaine de combler le fossé entre les vols spatiaux et la recherche au sol. Nos découvertes ont des implications significatives pour la médecine terrestre, notamment dans le cadre des troubles liés au vieillissement », explique Marc-Antoine Custaud, chef du groupe d’Experts des campagnes d’alitement et d’immersion sèche de l’ESA à l’Université d’Angers, France.
Les résultats pourraient également aider à concevoir de nouveaux traitements pour les patients alités pendant de longues périodes, les personnes âgées et celles souffrant de troubles musculo-squelettiques.