Don Quichotte
L’Agence spatiale européenne a sélectionné les deux astéroïdes 2002 AT4 et 1989 ML comme cibles pour la mission Don Quichotte qu’elle compte lancer à l’horizon 2010. Avec cette mission, l’ESA veut vérifier la possibilité de dévier de sa route un astéroïde dont la trajectoire l’amènerait à percuter la Terre.
Question: Willy Benz, vous êtes professeur d’astronomie à l’université de Berne et membre du comité international d’évaluation d’une telle mission auprès de l’ESA, est-ce que la Terre est réellement menacée ?
Réponse: La question n’est pas tellement de savoir si un jour un bolide va percuter la Terre, parce que nous en sommes convaincus, mais plutôt de savoir quand. Cela peut se passer dans 2 mois, dans 2 siècles ou dans 20'000 mille ans. Il faut donc se préparer à une telle éventualité. Les astéroïdes les plus dangereux ne sont pas forcément les plus gros car leur taille les rend brillants et par conséquent facilement repérables à l’aide des télescopes terrestres. Les plus dangereux sont plus petits, car détectables que peu de temps avant un éventuel impact.
Q : Vous dites que la question est de savoir quand un astéroïde va percuter la terre, mais on a quand même une idée de la fréquence des impacts en fonction de la taille de l’objet ?
R : Oui bien sur, mais il ne s’agit que d’une valeur moyenne. Des objets de 60 mètres de diamètre, comme celui qui a détruit une surface de 2000 km2 dans la région sibérienne de Tunguska en 1908, percutent notre planète tous les 250 ans. Les dégâts causés par un astéroïde de cette taille sur une région habitée seraient considérables.
Plus meurtrier serait un astéroïde de 2km de diamètre, il pourrait rayer de la carte tout un pays, mais de tels événements sont rares, soit à peu près un tous les millions d’années. La mission Don Quichotte est conçue pour détourner des objets dont la taille est intermédiaire, donc moins facilement détectables mais avec une fréquence plus élevée.
Q: Pourquoi dévier un astéroïde de sa trajectoire, n’est-il pas plus simple et moins cher de simplement le faire exploser ?
R: Faire exploser un astéroïde qui nous foncerait dessus a deux inconvénients. Premièrement une fragmentation de l’objet ne diminuerait pas l’énergie totale de celui-ci, l’atmosphère serait tout autant réchauffée mais sur une plus grande partie de la Terre, les conséquences climatiques pourraient être pires.
De plus, les fragments provoqueraient de plus petites explosions, mais celles-ci seraient multipliées sur terre et rien ne dit qu’il y aurait moins de dégâts. Deuxièmement, envoyer une ou des fusées chargées de bombes atomiques serait extrêmement risqué si le lancement venait à échouer. Alors que dévier un astéroïde de sa trajectoire fait appel une technologie connue et qui fut même testée avec succès lors de la mission américaine Deep Impact.
Q: Si un jour nous détectons un objet qui nous menace, aurons-nous le temps de préparer une mission pour le dévier de sa trajectoire ?
R: Nous sommes capables de calculer des trajectoires 20 ou 30 ans à l’avance, c’est pourquoi il est important de consacrer des ressources aux programmes d’observation des astéroïdes qui peuvent croiser un jour l’orbite terrestre. Plus tôt nous connaîtrons la trajectoire de ces objets géocroiseurs, plus nous aurons de temps pour intervenir. Mais il important d’être prêt déjà maintenant, en effet plus l’objet est loin et moins l’énergie à dépenser pour le dévier sera élevée.