Le but du présent article est de retracer les principales étapes qui ont conduit à la mise en place de ce programme exclusivement européen, d'en décrire les principaux acteurs, puis d'expliquer quelles solutions juridiques originales ont été élaborées afin de répondre aux besoins particuliers de ce programme, notamment lors de son passage à la phase de production.
Le programme Ariane trouve son origine dans la volonté politique des pays européens d'accéder d'une façon autonome à l'espace. A cette motivation d'ordre politique s'ajoute le fait que de nombreux pays européens souhaitaient participer au développement d'un marché européen de satellites, ce qui présupposait que l'Europe dispose de ses propres moyens de lancement. L'accès à l'espace était, jusque dans les années 1960, principalement dominé par deux puissances, les Etats-Unis et l'URSS. Certains Etats européens avaient certes développé des programmes nationaux de recherche spatiale mais ils ne pouvaient prétendre concurrencer de manière isolée ces deux grandes puissances. C'est ainsi qu'un certain nombre de pays européens ont décidé d'unir, dans le cadre d'un ensemble de décisions, leurs efforts en matière de recherche spatiale et ont convenu, en 1973, de mettre en place un programme de recherche et de développement d'un lanceur européen qui depuis lors a connu un grand succès: Ariane.
Depuis le début du programme en 1973 à nos jours, un très grand nombre de textes ont été élaborés afin de couvrir les aspects juridiques extrêmement variés liés à l'exécution de ce programme. Je me limiterai ici à la présentation des principaux textes juridiques relatifs au programme Ariane afin de faciliter la compréhension d'un sujet qui, par nature, comporte déjà de multiples facettes. De plus, ni les problèmes de la responsabilité liés aux activités de lancement ni ceux concernant la compétition internationale ne seront abordés dans le cadre de cet article.
Les prémices européens (de l'ELDO à l'ESA)
Les expériences britannique et française
Les programmes britannique et français en matière de développement de lanceurs ont principalement été entrepris dans le cadre de leurs activités militaires dans le milieu des années 1950.
En effet le Royaume Uni avait dès 1954 commencé par développer, en coopération avec les Etats-Unis, un missile dénommé 'Blue Streak' dont la base de lancement se trouvait à Woomera en Australie. L'utilisation du 'Blue Streak' par le Royaume-Uni en tant que missile fut abandonnée en 1960 au profit de son utilisation en tant que premier étage d'un premier lanceur européen.
La France avait déjà, au milieu des années 1950, développé et lancé à de nombreuses reprises de la base de Hammaguir près de Colomb-Béchar dans le Sahara, de petites fusées dénommées 'Véronique' et dont le rôle föt d'abord de transporter quelques instruments de mesure hors de l'atmosphère. Forte de cette expérience la France développa alors au début des années 1960 le programme d'un nouveau lanceur dénommé 'Diamant' qui servit de tremplin à l'industrie spatiale nationale. Le 26 novembre 1965, la première fusée Diamant plaça sur orbite un satellite appelé Astérix et jusqu'en 1975, date de l'abandon du programme, la fusée effectua avec succès le lancement (avec seulement deux échecs) de treize satellites scientifiques.
Les débuts de l'expérience européenne
Alors que ces succès nationaux dans le domaine spatial démontrent qu'une certaine structure industrielle émergeait en Europe, la recherche européenne s'articulait depuis 1962 autour de deux organisations:
Compte tenu de la crise régnant au sein de l'ELDO et pour faire face à un éventuel abandon d'Europa III, le Centre national (français) d'Etudes spatiales (ou CNES créé en 1961), constitua, en mars 1972, un groupe de travail avec pour mission la constitution d'un lanceur de substitution. Pour la France le lanceur devait être développé au niveau européen pour deux raisons principales: d'une part les coöts étaient trop élevés pour être supportés par la France seule, d'autre part le marché des satellites d'applications en Europe pour les années à venir serait assez important pour justifier que l'Europe dispose de ses propres moyens de lancement et assure son autonomie spatiale. Suite aux conclusions rendues par ce groupe de travail en mai 1972 la construction d'un lanceur à trois étages baptisé L3S (c.à.d Lanceur de 3ème génération de substitution), fut proposée. Ce projet fut dévoilé en novembre 1972 à la veille d'une Conférence spatiale européenne (CSE) réunissant les ministres des nations membres de l'ESRO et de l'ELDO. Lorsque la CSE se réunit le 20 décembre 1972, un 'accord de principe' fut dégagé, après des négociations difficiles, sur l'abandon du programme Europa III au profit du futur L3S, le développement du 'module de sortie' (futur Spacelab) et la fusion de l'ELDO et de l'ESRO en une agence unique avant le 1er janvier 1974. Il fallut attendre le 31 juillet 1973 pour qu'à l'issue d'une réunion historique de la CSE à Bruxelles, les décisions prises en décembre 1972 soient enfin entérinées: le lancement des programmes Ariane et Spacelab par l'ESRO (ainsi que Marots et OTS) et la création de l'ESA à partir de l'ESRO et de l'ELDO.
Le cadre juridique: 'l'Arrangement Ariane du 21 septembre 1973', un programme facultatif selon l'Article VIII de la Convention de l'ESRO La révision de la Convention du CERS en 1971 avait ouvert la voie aux programmes facultatifs. Jusque là, il fallait utiliser une interprétation audacieuse de l'Article VIII. Suite à la conférence de Bruxelles, le Conseil adopta le 1er aoöt 1973 une Résolution dans laquelle il était stipulé que le programme Ariane serait entrepris en tant que programme de l'ESRO dans l'attente de la création de l'Agence spatiale européenne. Un Conseil de programme intérimaire fut également mis en place.
Le 21 septembre 1973, un arrangement fut signé à l'occasion d'une réunion du Conseil de programme intérimaire, par les représentants des Etats membres de l'ESRO souhaitant participer à ce programme Ariane. Cet arrangement, qui décrivait deux phases, celle de développement de la fusée, puis ultérieurement selon des modalités à définir, celle de sa production, prévoyait les conditions de sa mise en oeuvre.
Le partage des responsabilités entre le CNES et l'ESRO (puis l'ESA) En raison du rôle du CNES et de son expertise dans le domaine spatial, les participants au programme décidèrent de lui confier directement la responsabilité de l'exécution de cette phase de développement. Ceci fut concrétisé formellement par un accord qui fut signé entre l'ESRO et le CNES le 7 février 1974. L'ESRO se voyait confier la responsabilité du contrôle de l'exécution de cette phase de développement, chaque participant contribuant financièrement à ce programme.
Le CNES fut chargé d'attribuer aux industriels de chaque Etat participant des contrats pour la fabrication du lanceur, mettant en oeuvre pour ce faire la règle du 'juste retour' en vigueur dans les programmes européens, et qui consiste à donner à chaque Etat participant un montant de contrats industriels proportionnel à sa participation dans le programme concerné. Le choix du CNES comme seul maître d'oeuvre du programme de développement de la fusée avait pour but d'éviter les problèmes de dispersion des efforts industriels connus dans le passé et devait également permettre de mettre en place une structure industrielle cohérente.
Le CNES devait également déléguer à son tour la maîtrise d'oeuvre industrielle à une société française (dénommée aujourd'hui Aérospatiale). Cette dernière devait à son tour travailler avec des contractants français et non français.
En conclusion on peut dire que pendant la phase de développement le CNES avait la responsabilité technique et financière du programme, et que l'ESRO, puis l'ESA, exerçait un contrôle sur les travaux du CNES et de ses contractants d'une part, et sur l'évolution financière du programme d'autre part. L'ESA avait en outre la responsabilité des équipements utilisés pour le programme, la détermination et l'appel des contributions des Etats participants et de la conclusion des accords internationaux nécessaires à la réalisation du projet. Un Conseil de direction du programme fut mis en place au sein de l'ESA et fut chargé de donner un avis sur les rapports techniques soumis par le CNES, les rapports financiers et l'exécution des plannings.
Un autre aspect essentiel des activités de lancement est sans aucun doute le site de lancement, les ensembles de préparation des charges utiles (EPCU) et les ensembles de lancement, qui vont permettre l'assemblage et le décollage de la fusée.
La base de lancement et les ensembles de lancement Ariane
Le Centre Spatial Guyanais (CSG) Le site de lancement qui fut choisi pour Ariane est le Centre spatial guyanais, situé à Kourou, dans le département français de la Guyane. Ce dernier fut sélectionné dès 1964 par le CNES pour remplacer son ancienne base de lancement d'Hammaguir en Algérie. Le site de Kourou bénéficie de conditions géographiques exceptionnelles car il est d'abord bien situé dans une région non sismique et hors de portée des cyclones tropicaux. Il offre également le double avantage, en raison de la proximité de l'équateur, de permettre aux lanceurs de bénéficier pleinement de la rotation de la Terre (460 m/s à cette latitude) et de leur éviter de coöteuses manoeuvres pour atteindre l'orbite équatoriale indispensable à une mise à poste géostationnaire.
De plus son dégagement vers l'Est et le Nord autorise des tirs aussi bien vers les orbites équatoriales que polaires ou héliosynchrones. Opérationnel dès 1968 avec la première fusée française Véronique, le CSG a effectué des opérations de lancement pour le compte du programme français Diamant et du programme Europa, puis il fut mis en sommeil avant son utilisation par l'Agence à partir de 1976.
Les moyens du CSG constituent le soutien technique et logistique indispensable pour la préparation et le lancement des fusées Ariane. Le CSG comprend un centre technique, des moyens de mesures (système de localisation, système de télémesure), des moyens de sauvegarde, des moyens de coordination, des moyens logistiques et les ensembles de lancement du CNES et de l'Agence c'est-à-dire l'ELA-1, l'ELA-2 et l'ELA-3 ainsi que les installations de préparation des charges utiles et les stations aval de contrôle situées à Natal (Brésil), Ascension (Royaume-Uni), Akakro (Côte d'Ivoire) et Libreville (Gabon), également propriété de l'Agence. Pour l'installation de ces stations aval dans les pays hôtes non membres de l'Agence sus-mentionnés, cette dernière a conclu des accords spécifiques. Le CSG, aujourd'hui aussi dénommé 'port spatial de l'Europe', couvre 96 000 ha sur plus de 30 km de bande côtière et emploie 1100 personnes.
A la suite des décisions prises à la CSE en avril 1975, le Gouvernement français et l'Agence concluèrent le 5 mai 1976 un Accord relatif à l'utilisation du CSG par l'Agence. Le Gouvernement français garantissait à l'Agence le libre accès au Centre et l'utilisation des installations, ainsi que la priorité pour ses programmes et ceux ses Etats membres. Le Gouvernement français s'engageait également à continuer à couvrir les frais opérationnels du CSG et leur mise à hauteur et de les maintenir compatibles avec les programmes de l'Agence. En échange l'Agence s'engageait à contribuer aux frais du CSG dans les limites d'un certain plafond. Cet Accord, qui couvrait la période 1975 à 1980, fut reconduit par un Protocole signé le 6 février 1981, dans lequel un prix plafond annuel fut fixé auquel la France participerait à 1/3 et l'Agence à 2/3. En cas de dépassement de ce plafond, la France s'engageait à couvrir les dépenses supplémentaires.
Le dernier Accord entre le Gouvernement français et l'ESA a été signé le 29 novembre 1993 et couvre une période allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2000. Dans ce nouvel Accord les modalités de financement du CSG ont quelque peu changé puisque l'Agence doit maintenant payer un prix forfaitaire. De plus le montant du financement par l'Agence pour les prestations et services rendus par le CNES au CSG est déterminé par périodes quinquennales glissant tous les trois ans. Il est forfaitaire durant les trois premières années et provisoire pour les deux dernières années. Ces Accords furent complétés par des Protocoles d'accord (maintenant un contrat) conclus entre le CNES et l'Agence dans lesquels les droits et obligations respectifs dans l'enceinte du CSG furent définies.
Les Etats qui ont, comme il est précisé plus loin, participé à la Déclaration relative à la phase de production du lanceur Ariane du 14 janvier 1980, renouvelée le 4 mai 1990, se sont engagés, en leur nom propre, à contribuer au financement du CSG 'en fonction de modalités à définir ultérieurement' et ont pris note du fait qu'un Accord spécifique entre les Etats membres et l'Agence serait conclu.
Finalement l'Agence, sous réserve de l'approbation du Gouvernement français, a autorisé la société Arianespace à exercer, dans la mesure nécessaire à la production et au lancement des lanceurs Ariane, les droits d'accès et d'utilisation accordés à l'Agence par le Gouvernement français dans les Accords relatifs au CSG précités. En contrepartie Arianespace paye des redevances à l'Agence qui sont ensuite déduites du prix de sa contribution au financement du CSG.
Les ensembles de lancement Ariane (ELA)
Ces derniers sont la propriété de l'Agence et comprennent l'ELA-1, l'ELA-2 et l'ELA-3 ainsi que des ensembles associés. Ils sont situés à l'intérieur du périmètre du CSG. L'Agence a repris la base de lancement utilisée par l'ELDO puis par l'ESRO et l'a adaptée aux besoins du programme Ariane. Un Accord relatif à l'ensemble de lancement de l'Agence et à ses installations associées fut conclu le 5 mai 1976 à cet effet. Cet Accord, d'une durée indéterminée, définit la base de lancement, garantit le libre accès de l'Agence et autorise également l'Agence à construire les installations nécessaires à ses activités sur le terrain mis à sa disposition par le Gouvernement français. Sur la base de cet Accord, un contrat annuel entre l'Agence et le CNES est conclu pour l'exploitation de ces installations.
Conformément aux dispositions de la Déclaration sur la production de 1980 renouvelée en 1990, l'Agence a mis ses biens à la disposition d'Arianespace aux fins de lancements Ariane en concluant avec Arianespace un avenant à la Convention entre l'Agence et Arianespace (visée ci-dessous). En contrepartie, Arianespace a parfois participé au financement d'une partie de ces installations mais elle finance surtout les frais d'entretien, d'opération et de mise à hauteur de ces installations en conformité avec les dispositions inscrites dans la Convention conclue entre l'Agence et Arianespace.
Première phase - La production comme activité opérationnelle prévue par l'Article V.2 de la Convention de l'Agence (subsistance d'un lien ombilical)
L'Arrangement Ariane prévoyait qu'un nouvel Accord devait être conclu pour organiser la phase de production. L'article 5 de l'Arrangement prévoyait que la répartition des tâches au cours de la phase de production devrait être, dans la mesure du possible, conforme à la répartition des tâches de la phase de développement et respecter en particulier la règle du juste retour. Or il était important de se mettre d'accord le plus vite possible sur la production du lanceur. En effet, la durée moyenne de construction d'un lanceur étant d'environ trois à quatre ans, l'ESA et le CNES tenaient à ce qu'Ariane soit présente sur le marché dès la fin de la phase de développement et ils souhaitaient également que le lanceur soit qualifié suffisamment à temps pour pouvoir se positionner sur le marché des lanceurs dans les années 1980.
Après un long débat portant sur un meilleur cadre juridique et sur le rôle de l'ESA, le Conseil de l'ESA adopta le 26 avril 1978 une Résolution sur la fourniture de lanceurs Ariane et de services de lancement. Cette résolution prévoyait une période de transition entre la phase de développement et la phase de production, dans l'attente d'un Accord organisant cette dernière. C'est ainsi que fut créée, sous le couvert de l'article V.2 (activité opérationnelle) une phase de promotion de six lanceurs qui devaient placer sur orbite des satellites de l'ESA et d'Intelsat.
La phase de promotion fonctionna selon les mêmes principes que la phase de développement. Aucune structure de commercialisation n'était indispensable puisque chaque lanceur s'était vu assigner d'avance les satellites à lancer. En ce qui concerne la structure de l'ESA, la phase de promotion n'était pas considérée comme un programme facultatif mais comme un ensemble d'activités opérationnelles, s'exerçant au bénéfice et à la charge financière des Etats participants (Article V.2.c. de la Convention de l'ESA: 'Dans le domaine des applications spatiales, l'Agence peut,le cas échéant, assurer des activités opérationnelles à des conditions qui sont définies par le Conseil à la majorité des Etats membres. A ce titre, l'Agence:... c. exécute toute activité demandée par les utilisateurs et approuvée par le Conseil. Les coöts de ces activités opérationnelles sont supportés par les utilisateurs intéressés.'). Il fallut trois ans à l'Agence pour conclure l'Accord sur la vente de ces six lanceurs opérationnels.
Deuxième phase - Une structure à l'extérieur de l'Agence: Arianespace
Pourquoi une société privée?
Pour certains Etats, il existait une inadaptation de l'Agence à une mission promotionnelle. Les principales raisons avancées étaient les suivantes:
Il fut finalement décidé de recourir à une société privée de droit national français (société anonyme) soumise au droit français, Arianespace, pour assurer la production et la commercialisation du lanceur Ariane mais avec certaines limites.
La création de la société Arianespace
(a) La Déclaration et la Convention
C'est le CNES qui prépara le projet de la nouvelle société et en juin 1979, au salon du Bourget, les industriels européens s'engagèrent aux côté du CNES à verser 95% du capital social prévu par la société. Ce financement fut confirmé par un Protocole d'accord industriel signé par le CNES à 34% et par 34 firmes industrielles. Le reste du capital fut souscrit par plusieurs banques des pays européens.
Du côté politique, la France présenta le 14 janvier 1980 auprès des Gouvernements européens, le texte d'une 'Déclaration relative à la phase de production des lanceurs Ariane'. Ce document était une proposition d'accord politique. Il prévoyait de confier la production du lanceur Ariane à 'une structure industrielle ... pour satisfaire l'ensemble des besoins du marché mondial en matière de lancements' et énonçait les principales modalités d'organisation et de fonctionnement de la future société.
En réalité cette Déclaration représentait 'l'arrangement sur la phase de production' prévu par l'Arrangement de 1973 et ne pouvait donc lui être totalement dissociée. Les Etats européens disposaient d'un délai de trois mois pour donner leur accord à ce projet. A la suite de la manifestation de cet accord ces Etats devenaient des 'Etats participants'. Cette proposition dès lors qu'elle recevait l'accord d'autres Etats constituerait un Accord international autonome, extérieur aux instances et aux procédures de l'Agence.
La Déclaration fut présentée lors d'une réunion à l'Agence début février 1980 et fut à l'origine souscrite par huit Etats (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède). Elle entra en vigueur avec effet rétroactif le 14 avril 1980 (puis elle fut renouvelée le 4 octobre 1990 jusqu'à l'année 2000). Le Conseil de l'Agence de son côté adopta le 24 janvier 1980 une résolution approuvant le principe des mesures nécessaires pour le transfert à Arianespace de la responsabilité d'Ariane et acceptant que l'Agence exécute la mission que lui confie la Déclaration. Dans cette résolution le Conseil de l'Agence avait également autorisé le Directeur général de l'Agence à entrer en négociations avec Arianespace dès sa création pour conclure une Convention réglant les relations entre l'Agence et la société. Cette dernière fut signée le 15 mai 1981 puis reconduite le 21 mai 1992 avec une durée équivalente à celle de la Déclaration.
La Déclaration contient la décision de confier la phase de production du lanceur Ariane à Arianespace ainsi que les droits et obligations de la société. Cependant ce document ne créée pas lui-même la société. Ceci fut accompli par une procédure d'immatriculation en France le 26 mars 1980. Arianespace fut donc constituée conformément à la loi française et devint la première société privée de transport spatial dans le monde.
Arianespace est une société anonyme dont le capital s'élève à 270 millions de francs. Son siège social est situé à Evry en France et les installations de tir qu'elle utilise sont situées au CSG à Kourou. Arianespace a créé une filiale à Washington et un bureau à Tokyo. Elle employait en 1993, 293 personnes.
Les activités d'Arianespace peuvent se résumer de la façon suivante:
(b) Les engagements des participants
L'engagement des participants fut d'abord de confier la phase de production du lanceur Ariane à la société Arianespace mais avec deux réserves: d'une part, ces activités doivent être conduites à des fins pacifiques; d'autre part, l'Agence et les participants disposent d'une priorité par rapport aux clients tiers en ce qui concerne les services et créneaux de lancement.
Le second engagement des participants concerne l'utilisation d'Ariane: les participants s'efforcent aussi bien au niveau de l'Agence qu'au niveau national et international d'accorder la préférence à l'utilisation du lanceur Ariane (cf: article VIII.1 de la Convention de l'Agence).
Le troisième engagement des participants vise la politique des prix que les participants souhaitent voir appliquer aux ventes de lancement de la série de production: les lancements pour le compte de l'Agence et des Participants sont effectués à un prix déterminé alors que les lancements pour les tiers peuvent être vendus par Arianespace à un prix librement négocié. Cette pratique fut abandonnée par la suite.
Le quatrième engagement porte sur les ventes à un pays non membre ou un client ne relevant pas d'un Etat membre de l'ESA. Ces ventes ne doivent pas être en contradiction avec les engagements internationaux souscrits par l'Agence et les Etats Participants.
Une procédure fut instituée pour permettre à un Comité des participants ou Comité de contrôle des ventes d'être informé des projets de ventes de lancement effectués par Arianespace. Le Comité est composé de représentants de chaque Gouvernement participant. L'ESA doit régulièrement être tenue au courant par Arianespace de ses projets de ventes. Le Directeur général de l'Agence en informe ensuite le Comité.
Si un projet est considéré par un ou plusieurs Etats comme contraire aux principes du droit spatial, le Comité peut être convoqué sur demande d'un tiers de ses membres pour interdire ce lancement. La décision d'interdiction du lancement est prise à la majorité des deux tiers de ses membres représentant au moins 15% des contributions. La décision d'interdiction est exécutoire pour Arianespace et le Gouvernement français.
Les participants mettent également à la disposition d'Arianespace les matériels et les installations, y compris les 'ELA', créés au titre de la phase de développement du programme (ainsi que les droits de propriété intellectuelle découlant du programme de développement), nécessaires à la phase de production.
Les participants conviennent de participer au financement du CSG selon des modalités à définir ultérieurement.
Finalement les participants déclarent se concerter si une crise financière ou technique met en cause l'avenir d'Arianespace ou celui de la production Ariane.
(c) Le rôle de l'ESA
L'ESA n'est pas actionnaire de la société mais a néanmoins conclu avec Arianespace une Convention qui lui permet d'exercer un certain contrôle sur les activités de la société et même de participer au processus de prise de décision au sein de l'entreprise. Ce contrôle est particulièrement important pour trois raisons: l'Agence a formellement déclaré accepter trois Conventions internationales (Accord sur le sauvetage, Convention sur la responsabilité et sur l'immatriculation); elle est liée par l'article 6 du Traité sur l'Espace et finalement elle doit poursuivre ses activités dans un but exclusivement pacifique conformément à ce qui stipulé dans l'Article II de la Convention de l'ESA.
Le contrôle de l'Agence sur les décisions est principalement assuré par son rôle de censeur permanent au Conseil d'administration d'Arianespace. Cette fonction lui permet de participer aux réunions du Conseil d'administration et des assemblées générales des actionnaires avec une voix consultative et de recevoir les documents remis aux administrateurs et aux actionnaires. Ce droit de regard est issu du rôle qu'a joué l'ESA dans la phase de développement et de promotion. De plus les améliorations apportées au lanceur Ariane continuent à relever de la compétence de l'Agence.
Finalement la Déclaration confie au Conseil directeur du programme Ariane, qui les a acceptées, notamment les missions suivantes:
(d) Engagements à prendre par Arianespace
En contrepartie des avantages reçus, Arianespace est tenue à certaines obligations vis-à-vis de l'Agence et des Etats participants. Elles sont les suivantes:
La fusée Ariane s'est, au fil des années, taillée une part de plus en plus importante du marché international des services de lancement. L'une des idées clé qui avait présidé à la définition d'Ariane en 1973 au sein de l'ESA était que ce lanceur ne devait en aucun cas constituer une impasse technologique et donc être susceptible d'évolutions ultérieures; c'est l'idée du 'fil d'Ariane'. C'est ainsi que depuis cette époque Ariane a constamment évolué et a donné naissance à une famille de lanceurs allant d'Ariane-1 à Ariane-5, toujours plus performants. La fusée Ariane-5 dont le programme de développement fut lancé en 1987 par les ministres européens à La Haye et dont le premier lancement de qualification est prévu à la fin de 1995, devrait à terme engendrer une nouvelle famille de lanceurs.
Ce développement du lanceur Ariane sur le plan technique s'est trouvé accompagné par une myriade de textes juridiques qui sont venus remédier au cas par cas aux nouveaux défis posés par le lanceur. Ces textes illustrent parfaitement la maturation lente et progressive de l'Europe dans le domaine spatial et reflètent le consensus politique atteint dans ce secteur. L'article VIII de la Convention de l'Agence portant sur les lanceurs et autres systèmes de transport spatiaux met notamment l'accent sur l'approche développée par l'Europe en matière de lanceurs. En effet, l'Agence s'y engage en définissant ses missions, à accorder la préférence à l'utilisation '... des lanceurs ou autres systèmes de transport spatiaux développés, soit dans le cadre de ses programmes, soit par un Etat membre, soit avec une contribution substantielle de l'Agence ...'
Cependant le succès d'Ariane reste fragile et l'Europe doit rester vigilante. L'Europe doit maintenant faire face à une double difficulté: elle doit non seulement surmonter ses propres contradictions et veiller au maintien de sa cohésion interne mais elle doit également faire face à une concurrence internationale accrue. En effet, outre la concurrence américaine, de nouveaux concurrents sont apparus sur le marché des lanceurs comme la Chine, la Russie et bientôt le Japon. Ces derniers n'ont pas tous la même conception de l'économie de marché, peuvent mettre en oeuvre des lanceurs d'une grande fiabilité et procéder à des tirs fréquents. L'Europe devra par conséquent trouver de nouvelles solutions pour consolider le succès de son lanceur et conserver une place prédominante sur le marché international.