Proba-3 teste le vol en formation… au sol
Les deux satellites Proba-3 ont été placés l’un en face de l’autre dans une salle blanche, et des caméras, des LED, un laser et des capteurs de l’ombre ont été activés à tour de rôle afin de tester les systèmes qui permettront aux deux satellites de détecter leurs positions précises l’un par rapport à l’autre, et ce afin de s’aligner l’un sur l’autre en orbite avec une précision de l’ordre du millimètre.
Lorsque deux satellites se retrouvent à quelques centaines de mètres l’un de l’autre, la réponse habituelle est une manœuvre d’évitement de collision. Mais la paire de satellites Proba-3 de l’ESA effectuera une sorte de danse contrôlée en orbite, ses deux éléments s’approchant au plus près à 25 m l’un de l’autre.
S’aligner avec le Soleil
À environ 150 m l’un de l’autre, la paire s’alignera avec le Soleil pour projeter une ombre d’un satellite à l’autre, créant ainsi des éclipses solaires artificielles prolongées qui permettront de révéler la faible atmosphère externe du Soleil sans être aveuglé par sa luminosité.
Comment cela sera-t-il possible ? Comme les voitures autonomes sur Terre, les satellites Proba-3 tireront avantage de plusieurs capteurs basés sur différentes technologies pour déduire leurs positions l’un par rapport à l’autre.
Tous ces systèmes doivent fonctionner parfaitement pour que la mission réussisse – ils ont donc été testés avec le logiciel des satellites pour la première fois dans la salle blanche de Redwire à Kruibeke, près d’Anvers en Belgique.
« Proba-3 est une mission de démonstration de vol en formation, et ces systèmes forment vraiment le noyau de la mission », explique Teodor Bozhanov, ingénieur logiciel et systèmes de l’ESA.
« Pour maintenir la position des deux satellites avec la précision requise, des étapes spécifiques doivent être effectuées les unes après les autres. Nous commençons par des observations optiques, puis nous passons à la métrologie laser, et enfin à la détection de l’ombre projetée d’un satellite sur l’autre. Si l’une de ces étapes n’est pas couronnée de succès, nous ne pouvons pas passer à l’étape suivante. »
Face à face de satellites
Les deux plateformes Proba-3 ont été placées à un peu plus de 15 m l’une de l’autre – la distance maximale permise dans le cadre confiné de la salle blanche de Redwire – même si dans l’espace les deux satellites seront dix fois plus éloignés l’un de l’autre lorsque les systèmes de vol en formation de la mission entreront en service.
Une équipe du maître d’œuvre de Proba-3, Sener (en Espagne), a rejoint les équipes de Redwire et de l’ESA pour la campagne d’essais d’une semaine, ainsi que des experts de l’Institut danois de recherche spatiale DTU Space, qui a fabriqué le système de capteurs basés sur la vision de Proba-3 (Vision Based Sensor system).
Navigation radio, par satellite et stellaire
La paire restera connectée tout au long de son orbite à l’aide d’un système de liaison radio intersatellites de Tekever (au Portugal), qui adaptera constamment sa portée.
Ils cartographieront également leurs positions absolues dans l’espace à l’aide de récepteurs de navigation par satellite spécialement conçus, qui doivent tenir compte du fait que l’orbite hautement elliptique de Proba-3 à 60 000 km d’altitude traversera directement les orbites des constellations de satellites de navigation et s’élèvera au-dessus.
Enfin, les deux satellites sont équipées de capteurs stellaires – des caméras reliées à un ordinateur qui reconnaissent les constellations autour d’elles pour déterminer « l’attitude » de chaque satellite, c’est à dire la direction vers laquelle pointe le satellite dans l’espace.
LED, caméras, laser – Se mettre en position
C’est une fois que les satellites sont à moins de 250 m l’un de l’autre que les systèmes de navigation relatifs utilisés pour le vol en formation de précision entrent en jeu – et ils ont été testés les uns après les autres au cours de cette campagne d’essais.
La première étape est le système de capteurs basés sur la vision (Vision Based Sensor system). Une caméra grand angle est utilisée pour suivre un motif LED sur l’autre satellite, et elle fournit des informations relativement grossières sur la distance des satellites l’un par rapport à l’autre, ainsi que des informations supplémentaires sur leur attitude.
Ce dispositif est complété par une caméra à angle étroit qui se verrouille sur un second motif LED beaucoup plus petit, fournissant des informations de positionnement relatives jusqu’à une échelle d’environ un centimètre.
Précision de l’ordre du millimètre
Ensuite, le capteur latéral et longitudinal précis (Fine Lateral and Longitudinal Sensor) du satellite « occulteur » de Proba-3 dirige un laser vers un rétroréflecteur en cube d’angle du satellite « coronographe », qui est réfléchi à son tour vers l’occulteur. Ces capteurs FLL permettent un positionnement relatif avec une précision de l'ordre du millimètre.
La technologie de positionnement finale est le système de capteur de positionnement de l’ombre (Shadow Positioning Sensor system), basé sur des photodétecteurs disposés autour de l’objectif que le principal instrument du coronographe de Proba-3 utilisera pour surveiller la couronne qui entoure le Soleil.
Si l’ombre d’environ 5 cm de diamètre est projetée correctement, centrée sur le coronographe, alors la luminosité devrait être égale de tous côtés ; toute divergence déclencherait une correction.
Essais combinés pour la première fois
« Tous ces systèmes ont été testés auparavant au niveau de l’unité et lors de simulations », commente Jonathan Grzymisch, ingénieur en guidage, navigation et contrôle de l’ESA. « Mais c’était vraiment la première fois que les éléments matériels et logiciels étaient exploités ensemble, comme ils le seront dans l’espace. Le système de navigation traitait des entrées matérielles réelles, allant de mesures grossières à une métrologie de plus en plus fine.
« L’échelle limitée à laquelle nous avons dû travailler a conduit à une configuration d’essai complexe, car fondamentalement, nous devions tromper les logiciels de guidage, de navigation et de contrôle pour qu’ils opèrent en dehors de leurs domaines opérationnels. Par exemple, nous avons utilisé un robot de notre Laboratoire de guidage, de navigation et de contrôle de l’ESTEC (aux Pays-Bas) pour tenir un rétroréflecteur laser, car la disposition de test ne permettait pas de s’aligner sur celui du satellite coronographe.
« Les tests se sont cependant déroulés sans problème, ce qui nous rapproche de la préparation au lancement. La prochaine fois que tous ces systèmes fonctionneront ensemble, ce sera dans l’espace, après le début de la mission. »
Le lancement de Proba-3 est prévu cet automne sur un lanceur indien PSLV-XL.